Archive | janvier, 2019

Un grand livre à voir

Certains scénarios sont parfois dignes de grands romans et certains grands romans* font de grands scénarios. Ainsi Vulgar Favors: Andrew Cunanan, Gianni Versace, and the Largest Failed Manhunt in U. S. History, le livre de Orth Maureen, qui inspira la saison 2 d’ « American Crime Story » et qui raconte l’assassinat du fameux Versace par Andrew Cunanan, tueur compulsif. Les neuf épisodes sont comme les neuf chapitres d’une tragédie antique, qui remonte à la source du mal (le père, toujours) et tente de nous faire ressentir la douleur de l’assassin. Bien sûr que le crime de Versace est horrible, et inutile, et vain, tout comme le fut celui de John Lennon devant le Dakota Building à New York, mais le génie du film n’est pas tant de portraiturer le couturier que d’autopsier la mécanique douloureuse de l’esprit de son meurtrier, remarquablement interprété par Darren Criss (qui obtenu deux prix importants pour ce rôle), de nous le rendre à la fois attachant et terrifiant (encore que, renseignements pris, il l’ait été bien plus encore en vrai). Bref, cette série hors pair, est à regarder comme on lit un livre car elle possède le don de laisser l’imagination travailler encore, au-delà des images, ce qui n’est pas souvent le cas au cinéma.
Si vous n’avez pas encore craqué pour Netflix, c’est le moment.

* Vulgar Favors: Andrew Cunanan, Gianni Versace, and the Largest Failed Manhunt in U. S. History, de Orth Maureen, publié à New York par Delacorte (et non pas Delacourt), en 1999.


Écoutons le silence.

Quel bonheur dans le bruit furieux du monde de trouver des pages de silence, comme des îles.
La Terre se tait* est un magnifique recueil de poèmes de l’immense Anise Koltz, découverte à Luxembourg alors que je m’y rendais avec l’ami Stéphane Giardina pour y délivrer notre lecture musicale. La pureté et la simplicité de ses courts poèmes m’en rappellent certains de Jean Follain – et celles et ceux qui ont lu La première chose qu’on regarde savent à quel point Follain est important pour moi. J’ai donc plongé en apnée dans ces mots beaux comme Il pleut sur la pluie/Il neige sur la neige ou, Sous les paupières des garçons/commencent à se déshabiller/les princesses des mille et une nuits. Je sais que la poésie n’a pas toujours bonne presse, mais quand le monde parle aussi joliment, on fait silence autour de lui. Et on écoute.

*La Terre se tait, d’Anise Koltz. Collection Graphiti, éditions PHI, co-édité par L’Orange Bleue Éditeur. En librairie depuis octobre 1999.

Dans la famille Turner, voici Page.

Dan Brown a Robert Langdon et GiacomettiRavenne ont Antoine Marcas, et si on enfermait leurs deux héros dans une crypte, avec quelques pièges, une jolie femme et une énigme à déchiffrer, il n’est pas sûr que les froggies soient les plus maladroits.
Bref, voici le douzième épisode des aventures du commissaire franc-maçon qui nous entraîne, cette fois, au cœur d’une confrérie à côté de laquelle les maçons passeraient pour des Bisounours : la « Skull and Bones », société secrète apparue pour la première fois en 1832 à l’université de Yale. (Combien de temps Langton mettrait-il pour découvrir que le chiffre 322 signifie 22 mars – de cette sinistre année 1312 où le roi Philippe Le Bel décida de dissoudre l’Ordre du Temple ?).
Conspiration* est un formidable page turner, une histoire qui se déroule à deux cents à l’heure (à côté, le Da Vinci code semble au ralenti, sorry, Dan) et qui prouve, une fois encore, que ces histoires de templiers, de puissance, de complots, de fake news, de sacré – ici, le pouvoir d’une relique du Christ qui, près de 2000 ans plus tard, occasionne d’inexplicables crimes –, n’ont pas fini de faire le bonheur des insomniaques. Et de tous les autres.
Vivement le treizième épisode qui, de par son numéro, devrait être terrible.

*Conspiration, d’Éric Giacometti et Jacques Ravenne. Éditions Lattès (à ce sujet, on trouvera deux méchants, page 420, ayant pour noms Laurent et Laffont, du patronyme du boss de Lattès). En librairie depuis le 24 avril 2018. Leurs autres titres chez Pocket.

Un scandale.

À l’heure des Femen, des #metoo, de la publication récente d’un terrifiant rapport qui fait état de plus de 80% des femmes victimes d’agressions sexuelles, qu’elles soient verbales ou gestuelles (pour employer un euphémisme), voici un livre qui, comme Le Malheur du bas d’Inès Bayard, chroniqué ici il y a quelques semaines, est à contre courant de toute cette agitation.
Sarah Vaughan y fait le procès d’un viol commis par un secrétaire d’état anglais, un viol de type conjugal, ce qui est extrêmement délicat à juger. Elle raconte à la manière d’un paisible Grisham, prend son temps pour décrire la psychologie de ses personnages (anatomie signifie d’ailleurs, selon Le Larousse : science qui a pour objet l’étude de la forme et de la structure des êtres organisés) et nous entraîne avec une langueur extrêmement habile dans les arcanes compliqués de l’âme humaine parfois incapable de juger le mal fait à autrui. Anatomie d’un scandale recèle une violence souterraine jubilatoire pour qui aime les thrillers psychologiques anglais, c’est-à-dire qui possèdent cette distance presque protocolaire avec leur sujet, ce qui les rend diablement efficaces.

*Anatomie d’un scandale, de Sarah Vaughan. Éditions Préludes. En librairie le 9 janvier 2019. Un très grand merci à Florence Mas du Livre de Poche pour cette très belle découverte.

La beauté s’efface parfois, mais jamais ne disparaît.

C’est toujours une joie, la joie des autres.
Découvrez ici, la joyeuse nouvelle de Dominique Cozette à propos de la naissance d’un livre*, belle comme celle d’une sœur, et que je me réjouis de partager avec vous.

*Pascale Ogier, ma sœur, par Émeraude Nicolas. Éditions Filigranes, en librairie depuis le 26 novembre 2018.