Deux kilos deux (de talent).

Probablement, pour moi, la plus grande claque de cette rentrée littéraire chez Lattès. Un premier roman 1 (même si ce n’est pas le premier livre de Gil Bartholeyns, maître de conférences à l’université de Lille et déjà lauréat de plein de choses impressionnantes 2) mais surtout un grand roman. Un roman habité, hanté même, comme le sont Fargo des frères Cohen et les films des frères Dardenne ; un roman qui lie en un destin commun les frères (on y revient toujours) humains et les frères animaux, dans une ambiance de neige, d’immensité et d’intimité à la fois, au cœur des cinq mille hectares des Hautes-Fagnes, outre-Quiévrain.
Deux kilos deux, qui donne son titre à ce livre incroyable – 2,2 kg est le poids moyen d’abattage d’un poulet –, est l’histoire d’un vétérinaire qui, dans ce coin de Belgique traversé par une tempête de neige, enquête sur des malversations possibles dans un élevage/abattage de gallinacées et va se retrouver, malgré lui, à nous guider dans la folie de ce monde qui fait dire à Bartholeyns qu’il est conçu pour faire vite, mal et beaucoup, malgré nous, à nous faire voir notre civilisation qui marche sur la tête. À la fois chant écolo, polar (« poular », comme dit un ami de l’auteur), thriller triste, Deux kilos deux est surtout la rencontre d’un homme avec des hommes qui ne lui ressemblent plus, avec un monde qui ne s’aime plus.
S’il existe des romans noirs, celui ci, parce qu’il se passe aussi sous la neige, pendant cinq jours, devrait être un roman blanc. Un roman à partir duquel on peut réécrire nos vies. Et réinventer le monde.

1. Deux kilos deux, de Gil Bartholyens. Éditions JC Lattès. En librairie le 21 août 2019.
2. Prix du Rayonnement international de l’Université libre de Bruxelles (2007). Chaire d’excellence CNRS/Université Visual Studies (2010-2015). Délégation au CNRS 2015-2016. Congé pour recherches ou conversion thématique (année académique 2018-2019). Prime d’encadrement doctoral et de recherche, Centre national des universités (2018-2022)