Jean-Louis Fournier est mort.

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Rentrée littéraire 2017. On ne sait pas très bien de quoi il est mort, d’ailleurs. Peut-être de rire, ça lui irait bien. Ou de chagrin, ça lui irait bien aussi. En tout cas, pas radin pour un sou dans la mort, il a fait don de son corps à la science. Et c’est une jeune étudiante, fine et gracieuse, la main douce, qui hérite, si je puis dire, de la carcasse de celui qui a « réalisé beaucoup de documentaires pour la télévision, eu un 7 d’or, écrit 33 livres, obtenu le Prix Femina, crée La Noiraude, été l’ami de Pierre Desproges et le mari de Sylvie Durepaire, et qui a touché l’épaule d’Elizabeth Taylor » (page 16). Égoïne, c’est le nom que donne le mort à la jeune fille, va donc l’inciser*, l’ouvrir et découvrir ce que Jean-Louis avait dans le cœur, dans les tripes, dans le cerveau et sur le bout de la langue.
L’idée est formidable – ceci dit, après avoir fait un livre sur chaque mort de sa famille, il ne restait plus que lui –, mais plus formidable encore, c’est ce qu’on découvre à l’intérieur.
Un homme qui aimait les femmes plus que tout et la sienne par-dessus tout (je crois qu’elle ne s’appelât pas Durepaire pour rien). Un homme blessé par certains critiques assassins. Un élégant qui adorait les beaux tissus, les belles voitures (et les jolies femmes). Un amant qui règle un compte à une Madame de. Un poète qui préférât faire rire plutôt que de faire sérieux, car c’est dans l’humour que se trouvent toutes les bouées. Un écrivain obsessionnel qui, tel un jardinier qui coupe les brins d’herbe au ciseau, a traqué, gommé chaque mot qui dépassait (un étudiant a d’ailleurs démontré que Jean-Louis était l’auteur français le plus cher selon le ratio prix du livre/nombre de mots écrits). Un mélomane. Un papa perdu. Un artiste qui voulait qu’on l’aime, qui aurait tué pour ça, ou, tiens, serait même devenu écrivain pour ça. Un mort qui aimait la vie même si elle ne l’a pas toujours aimé, et qui rêvait mourir sur scène. Pardon, dans un livre.
Un athée, enfin, mais qui croyait quand même à un petit truc. La Pâques, la résurrection.
Incorrigible Jean-Louis.

*Mon autopsie, de Jean-Louis Fournier. Editions Stock. En librairie le 1er septembre 2017. (Je me souviens que Godard s’était marré en imaginant les spectateurs dire Je vous salue Marie aux caissières de cinéma en achetant un ticket pour son film. J’adore l’idée qu’on dise à un libraire, Je voudrais l’autopsie de Fournier).