Le noir lui va si bien.

En voilà un drôle de type. Sa femme meurt lors d’une balade en forêt. Elle tombe sur elle-même, à la manière d’un accordéon, presqu’au ralenti. Elle repose sur les feuilles mortes de novembre. Des feuilles rousses. Et voilà le drôle de type qui noircit des feuilles blanches. Qui nous raconte Sylvie en quelques courts chapitres. Qui lui parle alors qu’elle n’entend plus. Qui regarde le monde avec ses lunettes à elle pour la première fois, pour voir ce qu’elle voyait. Qui regarde dans les chapeaux qu’elle a laissés si elle y a laissé des pensées pour lui. Qui finit le livre qu’elle n’a pas eu le temps de finir pour lui raconter la fin. Jean-Louis n’est jamais aussi tendre que lorsqu’il voudrait être méchant, et gentiment méchant avec les gens tendres avec lui. Il écrit sur ceux qui lui manquent. Qui sont partis sans lui. Sur son père. Ses fils. Sa fille. Bientôt sa mère. Avec, en tête et dans la plume, ce charmant petit conseil de Voltaire : Il est poli d’être gai.
Veuf est la grande histoire d’amour de deux personnes qui comptent pour moi. Qui me manquent ensemble et que j’aime séparés, désormais.

Fournier_Veuf

Veuf, Jean-Louis Fournier. Editions Stock (2011) et Livre de Poche (2013). A lire ou relire d’urgence.
Au fait, c’est lui de dos, sur la photo. C’est elle à côté de lui.