« Les tableaux nous regardent » (Paul Klee).

(Quatre jours après. Le chagrin ne s’efface pas. Ce n’est pas une raison pour laisser la haine s’installer). C’était en 1982. Je venais de commencer la réclame en Belgique et un directeur artistique qui avait deviné mon amitié pour les livres m’offrit Les Saisons, de Maurice Pons. (J’ai lu, depuis, qu’on parlait à son propos de texte culte. De chef-d’œuvre, même). Ce fut une lecture asphyxiante et sublime, noire, une lecture écœurante et lumineuse, amusante parfois – lorsque les villageois se chauffent avec des animaux vivants accrochés à leur taille. Les Saisons, des pluies incessantes, seize mois d’automne, quarante mois de gel, ou l’histoire désespérée et désespérante de Siméon, l’écrivain, l’étranger donc, qui débarque avec son beau vélin, ses crayons et les jolis mots calligraphiés qu’il veut partager avec ces villageois qui ne mangent que des lentilles. Puis fut la lecture de Rosa, un conte flamboyant, un pastiche de roman historique sur cette fameuse Rosa dans le sexe de laquelle, comme par la bouche d’un tunnel, étaient entrés – et jamais ressortis – troufions, canonniers, artificiers, fantassins, cavaliers, chevaux et même un certain capitaine Malard, Rosa à qui je rendrais hommage dans mon premier roman. Puis fut La Passion de Sébastien N., rebaptisée Le Festin de Sébastien, en 2000, qui narre l’amour de ce Sébastien pour son automobile, qu’il va manger, pièce par pièce. Et enfin ce texte court, que l’on m’a offert lors d’un passage à Lille, où Maurice Pons assagi ( ?) nous raconte ce tableau de Paul Klee, L’Île engloutie, une aquarelle de 1923, et nous entraine avec lui au plus profond, non plus de la noirceur cette fois, mais de l’insondable. C’est à-dire la poésie.
Maurice Pons

*Les Saisons, de Maurice Pons. Julliard, 1965. Christian Bourgois, 1971 et 1992. Disponible en 10/18. **Rosa, Chronique fidèle des événements survenus au siècle dernier dans la Principauté de Wasquelham comprenant des révélations sur l’étrange pouvoir d’une certaine Rosa qui faisait à son insu le bonheur des plus malheureux des hommes. Denoël, 1967. Disponible en Folio.***La Festin de Sébastien. Le Dilettante, 2000.****Paul Klee/ Maurice Pons. Invenit Éditions, Collection Ekphrasis, Lille 2011.