La science de l’esquive.

Jamais un livre n’aura aussi bien porté son titre. « Esquiver », selon Le Larousse, c’est « éviter un coup », c’est « se dérober, se soustraire habilement à quelque chose », c’est « écarter une difficulté, un problème sans les résoudre ». Dans son second1 roman, La science de l’esquive2, Nicolas Maleski raconte l’itinéraire de Kamel Wozniak qui cherche à esquiver (se soustraire à) quelque chose qu’on ne découvrira bien sûr qu’à quelques dizaines de pages de la fin. C’est le roman d’une fuite, d’une évasion d’une vie pour une autre3. C’est bien fichu. Rapide – bien qu’écrit au présent qui est pourtant le temps qui prend tant de temps dans un roman. Cependant, il y a dans cette évasion davantage de péripéties que de suspens, ce qui assez est normal puisqu’on ne sait pas ce que l’homme fuit, donc on ne sait pas quoi craindre pour lui (c’est dans ces cas-là que le brave Hitchcock avait recours au fameux « MacGuffin », une sorte de menace – bombe sous une table, par exemple, long couteau sous un oreiller– de façon à ce que le spectateur attende ou redoute une action et soit ainsi maintenu dans un état de suspens). Bref. Là où c’est l’auteur lui-même qui esquive, c’est qu’il amène son personnage au terme de sa fuite et s’arrête.
Bon, je le reconnais, je suis un peu radical.
Disons qu’à la fin, il y a un petit soubresaut qui rend hommage à l’un des deux chefs-d’œuvre de James M.Cain, Le Facteur sonne toujours deux fois.
En fait, la trame de La science de l’esquive m’a fait penser aux contes. On décrit les tourments des héros, le combat du chevalier pour trouver sa princesse, et lorsqu’ils sont enfin réunis, on nous plante avec un « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Là où l’on aimerait que l’histoire commence. Mais cela n’arrive jamais.
Sans doute le bonheur est-il impossible à écrire.

1. Le premier était Sous le compost. Harper Collins (2017). Harper Collins Poche (2020)
2. La science de l’esquive, de Nicolas Maleski. Éditions Harper Collins, coll Traversée. En librairie le 8 janvier 2020.
3. Sur le même thème, on se régalera de La fuite de monsieur Monde, de Georges Simenon et de L’homme qui voulait vivre sa vie, de Douglas Kennedy (le livre, pas le film).