Mr Mercedes.

King pour blog

Au moment où, dans ce pays, à Charleston, un gamin tue neuf personnes dans une église, en blesse je ne sais pas combien, l’éternel débat sur les armes fait rage. « Ce ne sont pas les armes qui tuent, disent les « pro-gun », ce sont les balles ». Et les « anti-guns » n’ont que leurs larmes de mercure. Et voilà que, comble du hasard, je suis en train de lire Mr Mercedes* d’un Stephen King bien loin de ses textes horrifiques, de son auto maléfique, de sa grosse lectrice de romance schizophrène et de ses graves addictions pendant les eighties ; un texte où l’arme du crime est une puissante Mercedes. Huit morts. Et je ne sais pas combien de blessés. Un King royal, ample, qui s’amuse du genre qu’il traite, qui se délecte visiblement d’écrire, d’égratigner au passage quelques séries télé récentes, quelques clichés, mais surtout un King en très grande forme qui, sous couvert d’une intrigue somme toute assez classique, éprouvée même, en profite pour dénoncer le plus vieux démon de l’Amérique, le plus terrifiant aussi, le plus inacceptable, le plus incompréhensible : celui qui rappelle que l’ennemi le plus dangereux est à l’intérieur ; qu’il a la tête d’un bon gars, type caucasien, en t-shirt Gap ou Old Navy, des Nike aux pieds, des écouteurs Apple dans les oreilles, un sourire d’ange (ou pas d’ailleurs) et qui soudain tue des américains ; tue le rêve américain.
C’est là, entre les lignes, que King est le plus fort, le plus visionnaire lui, qui, 20 ans avant Fifty Shades of Grey avait écrit un formidable bouquin qui commençait ainsi : un couple de new-yorkais, épuisé, décide de passer un week-end dans leur maison très isolée du Maine (je crois). Monsieur a amené ses menottes, il aime ça. Il attache madame au lit. Enfin, ils vont pouvoir baiser. Se détendre. Mais cette fois, ça ne la fait pas rire. Elle se débat. Monsieur meurt en tirant son coup. Le corps mort, lourd, écrase madame qui hurle. Qui hurle. Mais, personne ne l’entend. Absolument personne. Le livre s’appelait Jessie**. Décidément, King n’a pas volé son nom.

*Mr. Mercedes, Stephen King. Éditions Albin Michel depuis le 28 janvier 2015 et en… Kindle. Prix Allan Edgar Poe, aux Etats-Unis.
**Jessie (Gerald’s game), éditions Albin Michel, 1993 et Livre de Poche, 2001.
A lire ou relire, la belle chronique de Franck Boussard sur ce livre.