Soudain, le vide.

Qu’il est difficile l’exercice du livre sur la mère. Il est de cet intime dont on se demande s’il doit être partagé. Il possède une impudeur qu’on souhaiterait secrète. Et en même temps, il est ce chagrin universel, épouvantablement humain, qui ramène chaque homme, fût-il le plus grand, à cette condition d’orphelin. Éric-Emmanuel Schmitt a tenu ce journal* pendant deux ans après la mort de sa mère, et il l’a écrit comme un fils, pas comme un écrivain – ce qui rend ce texte si sensible, si modeste, qu’il permet de ressentir cette douleur-là, au plus profond : « être devenu l’enfant de personne » (page 16). J’ai comme lui perdu ma mère et comme lui je me suis demandé s’il fallait écrire cette peine. Je ne sais pas encore si j’en serais jamais capable. Éric-Emmanuel et moi avons le même âge. Sa mère est décédée à 87 ans. La mienne aura eu presque vingt ans de moins à vivre. Je n’ai pas, comme lui, fait le plein d’elle. Il me manque à jamais du temps. Des rires. Des mots. Alors ce Journal d’un amour perdu a rempli quelques vides en moi. Il m’a donné ces rires d’une mère. Ces discussions interminables. Donné cette vie qui me manque. Pour ça, Éric, merci.

*Journal d’un amour perdu, de Éric-Emmanuel Schmitt. Éditions Albin Michel. En librairie depuis le 4 septembre 2019.