Archive | Invités.

Invités #50 et #51. Michel Persitz et Sofi Oskanen.

En fait, je n’avais pas, mais alors pas du tout prévu de les inviter. Mais voilà qu’au début de juillet, dans l’été gris, Michel* m’a envoyé un mail et je l’ai trouvé si plein de beautés, que je vous l’adresse à mon tour, mot pour mot, avec la photo qui l’accompagnait.

« Petit bouquin**, même pas 100 pages. 
Grand livre.
Le bandeau retiendra sans doute la main virile des mecs qui préfèrent lire un bon polar torse nu sur la plage et la main de gauche de ceux – également lâches – qui redoutent de lire un livre de « nana féministe » et se planquent à la terrasse des cafés derrière le best-seller d’Obama ou celui de Yuval Harari.
Tant pis pour eux.
De toute façon à terme, ils sont cuits. 
En voie d’extinction.
Pourront plus se reproduire.
Désert et quequette blues.

Une jupe trop courte.
Le bandeau fait du marketing.
Il est fait pour ça.
Le bandeau ne dit pas que ce sont des poèmes.
Le bandeau ne dit pas que c’est terriblement beau. 
Le bandeau ne dit pas que le lecteur va avoir les tripes nouées.

Le lecteur va se découvrir nu, au travers du regard de l’autre.
La merveilleuse, précieuse, autre.
Grand ménage pour les méninges des messieurs.

6,90€ le nettoyage mental. C’est donné.

Les dames peuvent offrir aux messieurs timides… »

*Juif de Personne. Éditions Lattès (2018).
**Une jupe trop courte, de Sofi Oskanen. Inédit. Points, coll Points Poésie. En librairie depuis le 6 avril 2021.
PS. L’ai commencé hier soir. Michel a 100% raison.

Invités # 48 et # 49. Frank Andriat et Romain Puertolas.

Quel bonheur parfois, l’improbable. Voici que, président du Salon du livre de Villeneuve-sur-Lot (en 2019), il me fut loisir d’inviter gens de bonne compagnie. Il s’en trouva parmi eux deux qui ne se connaissaient pas, firent connaissance à leur tour, cette fois dans l’ambiance toujours joyeuse d’un restaurant asiatique, là aussi en bonne compagnie (voir photo ci-dessous). Les épices et l’alcool de riz sans doute abolirent les frontières, on se promit de se lire, de se revoir, bref on devint proches. Et voici que quelques temps plus tard, l’un (en Belgique) écrivit une magistrale farce* sur l’autre (en Espagne) et que l’autre préfaça avec espièglerie pour le plus grand bonheur de l’un. J’ai donc demandé à Frank de photographier et de légender son livre et à Romain de nous le présenter.
C’est leur coup de cœur du moment. C’est aussi le mien. Bientôt le vôtre. 

« Être sauvé par Bob Tarlouze ou mourir pour un spéculoos ? », s’interroge Frank Andriat, auteur de cette photo.

« Alors voilà, il suffit que j’abdique de mon statut de roi du loufoque français, que je me mette à écrire des romans sérieux avec des twists finaux à la Night Shyamalan, auxquels même le grand Michel Bussi ne s’attend pas (cf. Sous le parapluie d’Adélaïde) pour qu’un jeune Belge au sourire enjôleur (j’allais dire “enjoliveur”… mais cela, c’était avant, quand je n’écrivais pas des romans sérieux) prenne ma place sur le trône et me tire avec lui une dernière fois au fond du trou de la fantaisie et de l’absurde. 
Frank (attention, sans « c » pour nous embrouiller) Andriat. Je me souviens encore de notre rencontre, au salon du livre de Villeneuve-sur-Lot, sous l’égide de ce même Grégoire Delacourt qui sévit aujourd’hui sur ce petit morceau d’Internet, dans un restaurant chinois, en (très bonne) compagnie du merveilleux Boualem Sansal. Frank me promet qu’il va lire le Fakir. Quelques jours après, il me téléphone, m’avise qu’il l’a terminé et qu’il va lire tous mes livres, l’un après l’autre. Cela sonne à mon oreille comme une menace. Quelques jours plus tard, il a terminé mon œuvre (oui, je ne suis pas Proust), m’informe qu’il se lance dans l’écriture d’un roman dans lequel je serai le héros, nouvelle menace. Qu’il met à exécution sans pitié. 
Reprenant le personnage qui a fait son succès planétaire, Bob Tarlouze le magnifique, il édifie une mission mondiale : sauver votre serviteur, Romain Puértolas, qui n’a jamais autant été en danger. On y retrouve une plume envolée mais acide, on y croise nombre de mes personnages (Jeff Palourde, cousin de Gustave, Mohammed Mohammed, bref, il vous faudra une solide connaissance en mes romans pour profiter au maximum de cette nouvelle aventure, mais les néophytes y trouveront également leur compte de rebondissements), dont ma femme !  
Frank ose tout, exagère ce que j’avais porté au comble de l’exagération dans le Fakir enfermé dans son armoire IKEA, dans La petite fille (faisons court, nous ne sommes pas payés au mot), dans Re-vive l’Empereur, et autres Tout un été sans Facebook. Tous se croisent dans cette orgie de mots, ce vaudeville désopilant. Bref, le roman le plus emblématique de mon époque loufoque, le plus drôle aussi, ce n’est pas moi qui l’ai écrit, mais Frank ! C’est un comble ! Ce soir vous êtes heureux car la pandémie est en passe de devenir un mauvais souvenir et vous vouliez le fêter en vous soulant au champagne ? Lisez Sauver la peau de Romain Puértolas, vous aurez l’ivresse et le plaisir sans le mal de tête et les bulles… » (Romain Puertolas).

*Sauver la peau de Romain Puertolas, de Frank Andriat. Préface de Romain Puertolas. Éditions Genèse. En librairie depuis le 4 juin 2021.
Le dernier roman de Romain, Sous le parapluie d’Adélaïde, est paru aux éditions Albin Michel en septembre 2020 . Le prochain est prévu début 2022.

Invitée #48. Florence Aubenas.

En fait, c’est l’ami Michel Persitz, auteur de l’inoubliable et indispensable Juif de Personne* (Lattès, 2019) qui a eu la bonne idée de me recommander le dernier livre de Florence Aubenas. Au vu de son enthousiasme, je lui ai proposé de venir nous en parler, ce qui, dans une sorte de billard à trois bandes, revient à inviter ici Florence Aubenas, que voici, sous la plume toujours parfaite de Michel.

« Le regard de Florence.

Que puis-je ajouter au feu d’artifice d’éloges unanimes saluant « L’inconnu de la Poste** » de Florence Aubenas ? Oui, c’est un livre rare, un livre exemplaire, entre grand journalisme et littérature fertile. Un livre qui marque. On évoque à son propos « De sang-froid » et le « nouveau journalisme » de Truman Capote ou Joan Didion, peut-être, mais j’ai surtout pensé à « La fin de l’homme rouge » de Svetlana Alexievitch pour son inébranlable humanité, sa patience dans l’écoute, sa minutieuse attention aux détails, son extraordinaire capacité d’empathie, en un temps ou les anathèmes pullulent à la moindre contrariété.
Qu’il s’agisse des lieux, des laissés pour compte, marginaux, toxicos, simples habitants, flics, édiles, magistrats ou people, le regard clair de Florence Aubenas observe, rend compte, s’abstient de tous jugements, parti pris, condamnation ou apitoiements faciles.
J’ai reconnu notre monde, celui que je regarde trop rarement en face, parce que c’est fatigant et douloureux de vouloir tout voir, il est plus rassurant de ne voir que ce que l’on a envie de voir. Florence Aubenas incite à davantage de lucidité.
Avec « L’inconnu de la poste » ce sont nombre de fictions, romans, scenarii, traitant rapidement de sujets d’actualité qui révèlent leur subjectivité et nourrissent la confortable adhésion de leurs lecteurs. Qu’il est difficile de résister aux apparences et à la simplicité.
Florence Aubenas est sans complaisance. Elle ne s’attarde pas sur l’horreur des circonstances dans lesquelles a été commis le meurtre de la postière de Montréal la Cluse en 2008. Mais cela m’a hanté. Vingt-huit coups de couteau. J’ai fini par jeter un traversin par terre. Je l’ai frappé vingt-huit fois à coups de poing. Cela m’a pris plus de trente secondes, j’étais essoufflé et j’en avais mal au bras. Un inconnu a pu faire cela à une femme enceinte avec un couteau et disparaître parmi nous malgré dix ans d’enquête. Une chose est certaine, c’était un homme et contrairement à Gérald Thomassin il n’a pas le profil du suspect idéal. »

*Juif de Personne, de Michel Persitz. Éditions JC Lattès. En librairie depuis le 9 octobre 2019.
**L’inconnu de la poste, de Florence Aubenas. Éditions de l’Olivier. En librairie depuis le 5 février 2021.

Invité #47. Vincent Larnicol.

Il a un jour surgi devant moi, dans un salon du livre, comme un diable d’une boite, un immense sourire fendait son lumineux visage et il m’a offert un de ses livres parce qu’il aimait les miens. Comme entrée en matière, on a vu pire. Depuis, chaque retrouvaille est une joie. Vincent ne cache pas son autisme Asperger. Il l’assume. Lui tord le cou avec ses textes poétiques*. C’est à lui que j’ai demandé son avis pour écrire le personnage de Geoffroy dans mon dernier livre et il m’a donné sans compter. Alors merci, Vincent.
Je l’ai invité à nous présenter un coup de cœur. Le voici**.

« Fin décembre 1999, Alexandre vit reclus aux Bertranges, la ferme familiale dans les vallées du Lot dans laquelle il a vécu avec ses parents et ses trois sœurs. La tempête s’abat sur l’arrivée imminente de l’an 2000. Ainsi remontent en lui plus de trente ans d’histoire, d’évolution… comment les hypermarchés ont-ils changé la face des petits commerces, comment le téléphone s’est entendu aux quatre coins de la France, comment le nucléaire a-t-il été perçu en bien et en mal dans la lutte et les revers planétaires, comment la gauche socialiste de Mitterrand a-t-elle bouleversée la politique… Bref, tous ces changements ont formé et déformé la radiographie d’une famille d’agriculteurs attachés à ses traditions, contrairement au reste du monde. Et le regard d’Alexandre posé sur les beaux yeux de Constanze, une citoyenne allemande dont il est secrètement amoureux, comment est-il face à tout cela ? Entre l’homme et la nature, quel chemin devra-t-il suivre ? 
Attention, le grand Joncour frappe une nouvelle fois très fort, après le précédent Chien-Loup, et on le sent de plus en plus engagé sur la relation entre l’homme et la nature sans cesse tourmentée. Dense, documenté à foison et résonnant parfaitement avec l’actualité, parfois trop complexe à mon goût, ce roman est quand même intéressant et foisonnant. L’innocence de l’enfance face au nouveau siècle se transforme en tiraillement face à la fin d’un monde soudé et c’est très bien représenté… Bravo. Coup de maître en la matière. Quelque fois compliqué mais impressionnant, à ne pas manquer ! ».

*Les six textes de Vincent Larnicol sont tous publiés chez Édilivre.
**Nature humaine, de Serge Joncour. Éditions Flammarion. En librairie, quand elles sont ouvertes, depuis le 19 août 2020. Prix Femina 2020 – à propos duquel il a déclaré à France Info : «Ma joie est un peu neutralisée par cet environnement-là. Je ne m’en abstrais pas, ce n’est pas possible. Ce prix, c’est donc une joie blessée, insavourable». Mouais. Savoure, Serge, savoure.
(Photo: Vincent Larnicol).

Invitée #46. Ginette Machon.

J’ai croisé Ginette il y a plus de trois ans maintenant au Festival du livre de la ville d’Hyères. Il faisait très beau, et très chaud. Trois mois plus tard, elle découvrait en Avignon, dans le Off, la version théâtrale de On ne voyait que le bonheur, avec Grégori Baquet et Murielle Huet des Aunay et m’écrivit ceci : « Le jeu de Grégori est très bien, celui de Murielle sublime », ajoutant même : « J’ai fait beaucoup de publicité car vous et ils le méritent ». Et voilà qu’il y a quelques jours, Ginette m’écrit pour me dire tout le bien qu’elle pense de mon dernier roman, et me recommander la lecture d’un livre d’une amie. Je lui ai donc proposé d’en faire à mon tour la publicité en l’invitant ici pour vous le présenter.

« Lumière*, quel titre ! Lumière, celle qui habille majestueusement le massif de La Sainte Victoire, celle qui porte la vie, qui ouvre l’espoir, celle reliée à la connaissance. Elle m’a accompagnée tout au long de la lecture de ce premier roman et illustre à merveille le thème de l’amitié, accidentelle, improbable, qui lie Ambre et Olivier. Les émotions ressenties sont très variées, toujours  très profondes. Les mots choisis par l’auteure sont emplis de délicatesse, de précision, de poésie même dans les moments sombres du roman. De fines descriptions, soit savoureuses de mets familiaux, soit très évocatrices de sites provençaux ou de scènes de la vie de tous les jours.
Un roman lumineux ».

*Lumière, de Christelle Saïani. Éditions Librinova.

Invité #45. Jacques Jolly.

C’est un métier formidable, la pub, pour un créatif. On se fait engager sur un malentendu. On est plutôt pas trop mal payé. On rencontre des gens épatants (réalisateurs, photographes, musiciens), parfois on va en Afrique du Sud ou au Brésil pour filmer 20’’ d’une savonnette ou d’un détergeant. On se fait engueuler quand le film ne vend pas assez. On doit s’y remettre. Faire une nouvelle campagne en deux jours. Plus de week-ends. Plus de ponts. Les 35 heures, on se demande ce que c’est. Et on comprend alors pourquoi on était bien payés au début. Sauf que ça n’a pas beaucoup évolué depuis.
Avec le temps, et parce que les chefs ne font pas long feu dans ce joli métier, on devient chef soi-même. On se prend un peu de blé au passage. Parfois une voiture de fonction. On est censés aider les autres créatifs. Les cajoler. Les inspirer. Mais on s’en prend surtout plein la gueule. Puis, comme la pub va mal, un jour, on nous demande de virer des gens. Et on perd le sommeil à jamais. On se fait traiter de salaud. De collabo. On oublie soudain tous les types qu’on a engagés. Enrichis. Les campagnes brillantes qu’on a faites. Les Prix qu’on a obtenus. Le talent.
On nous appelle un beau matin pour nous dire que c’est notre tour. D’être virés. C’est arrivé à Jacques Jolly, il n’y a pas bien longtemps. Cette violence. À moi aussi, il y a petit peu plus longtemps. Trente ans qu’on travaillait à quelques mètres l’un de l’autre. À quelques rues. Jamais loin. Trente ans de flamboyances, de belles idées et de fous rires. Trente ans qu’il est mon frère de cœur.
Je lui ai demandé de nous présenter son coup de cœur. Le voici.

« Il est des livres* comme cela que l’on prend sans savoir pourquoi sur la table d’un libraire. La couverture n’est pas terrible, vous ne connaissez pas l’auteur mais vous le gardez quand même. Sans conviction. Vous avez le temps de changer d’avis, le temps d’arriver jusqu’à la caisse. Et puis vous l’achetez quand même. Chez vous, vous le posez sur votre chevet et vous l’oubliez.
Et puis le confinement arriva… Et vous retrouvez ce livre comme on exhume une bouteille de vin oublié… Vous l’ouvrez et là vous ne pouvez pas le lâcher.
Juste une ombre est juste un très grand livre. Depuis Dragon rouge, je n’avais jamais rien lu d’aussi brillant, d’aussi glaçant. Ce n’est pas un polar, c’est un cauchemar, un trait de craie strident sur une ardoise faite de nos peurs les plus profondes. L’ombre est enfouie en nous au plus profond de nos têtes, comme Les dents de la mer l’était dans les abysses de l’océan. Plus personne ne nage sans avoir pied sans penser qu’en dessous, il y a une créature invisible qui ne demande qu’à vous tuer.
Après ce livre, vous ne verrez plus l’ombre comme avant, insouciant, vous disant que cela n’est rien, juste une ombre.
Et aujourd’hui, avec ce virus invisible qui nous menace tous, ce livre résonne-t-il encore plus. Tout cela n’est pas juste qu’une ombre, c’est bien pire. C’est au-delà de tout ce que vous pouvez imaginer.
Je ne connaissais pas Karine Giebel ni ses livres. Depuis celui ci, j’en ai lu 2 autres que je recommande aussi vivement : Les morsures de l’ombre**, un huis clos terrifiant. Et aussi Toutes blessent, la dernière tue ***: vision cruelle et lucide de notre époque.
Karine Giebel est une lame qui entaille là où ça fait mal.
A lire de toute urgence. Âmes sensibles s’abstenir. »

*Juste une Ombre, de Karine Giebel. Chez Pocket depuis le 7 mai 2013. Précédemment publié chez Fleuve Noir (8 mars 2012). Prix Marseillais du Polar et Prix Polar de Cognac.
**Les morsures de l’ombre. Pocket, septembre 2009.
***Toutes blessent, la dernière tue. Pocket, novembre 2019. Prix Plume d’or du thriller francophone, Prix Évasion, Book d’or thriller et Prix de l’Evêché.

Invité #44. Lancelot Balleroy-Revol.

Comme Lancelot du Lac, illustre chevalier de la Table Ronde, dont on disait qu’il était le chevalier parfait – excellent chasseur, musicien, combattant émérite, courtois et noble d’esprit –, ce Lancelot-ci n’est pas dénué non plus des plus grandes qualités. Ainsi, est-il particulièrement gentil, empathique, toujours prompt à rendre service, rassurer, partager. À l’école – sa Table Ronde à lui –, les jouvencelles en sont amoureuses mais il garde la tête froide et clame, du haut de ses dix ans : Je suis mieux célibataire. Comme de surcroît il est un authentique pro du jardinage et expert en barbecue, qu’en forêt, il distingue les traces des cerfs de celles des chevreuils et des sangliers, et qu’il est un surtout grand lecteur, donc une sorte de romantique, gageons que sa chère devise ne tiendra pas longtemps.
Aussi, et avant qu’il ne s’en retourne bientôt dans son cher CM2, je lui ai demandé de nous présenter son coup de cœur littéraire (pendant le confinement). Le voici.

« Bonjour je m’appelle Lancelot et je voudrais vous parler du Garçon du sous-sol * de Katherine Marsh publié par Robert Laffont Jeunesse, un roman ancré dans l’actualité que j’ai vraiment adoré.
Ce livre raconte l’histoire de Max, 13 ans, qui part de Washington avec sa famille pour aller vivre un an à Bruxelles. Il s’installe dans sa nouvelle maison dans laquelle, pendant la nuit, un réfugié arrive pour se cacher. Ce réfugié Syrien qui a 14 ans s’appelle Ahmed. Un passeur lui a pris son téléphone et ses 300€ que son père lui avait donnés avec un faux passeport. Un soir, Max qui a entendu un drôle de bruit dans le sous-sol descend en cachette et rencontre Ahmed. Ahmed lui fait promettre de ne rien dire vu que sinon il aura de gros ennuis : son but est d’aller à Londres et s’il obtient une carte d’identité belge il devra rester en Belgique pour toujours ce qu’il ne souhaite pas. Max, qui est malheureux en Belgique et qui est heureux de se faire un nouvel ami, décide de protéger Ahmed et de ne rien dire à ses parents. Chaque soir, il lui apporte de la nourriture, des livres, des feuilles et des stylos pour qu’il ait de quoi s’occuper. Parce que son grand-père collectionnait les orchidées en Syrie, Ahmed propose de prendre soin des orchidées de la mère de Max qui sont en train mourir : il les trempe dans la cuvette des toilettes, les installe au soleil et cela fait des merveilles ! Il s’aménage aussi un coin dans la cave avec des posters de footballeurs et une reproduction d’un tableau de Magritte. Il confie à Max que son père qui était professeur d’Anglais – c’est pour ça qu’il parle bien cette langue ! – est mort en mer Méditerranée pendant la traversée vers l’Europe. De leur grande amitié va naître un incroyable projet top secret que vous découvrirez en lisant ce livre !
J’ai beaucoup aimé ce roman pour le suspens et pour tout ce que j’ai appris sur le drame des enfants réfugiés. Et cela m’a permis de me rendre compte de la chance que j’ai d’aller à l’école tous les jours ! »

*Le Garçon du sous-sol de Katherine Marsh. Éditions Robert Laffont Jeunesse. En librairie depuis le 6 février 2020.

Invitée #43 : Talia Hausman.

Curieusement, le confinement fait faire de jolies et inattendues rencontres. Voici Talia Hausman qui, après deux années en prépa littéraire à Saint-Ouen, est en année Erasmus à Rome, en histoire. Mais voilà qu’un virus de 125 nanomètres de diamètre, ce qui est franchement riquiqui – par contre il est assez long : 30 bk – l’oblige à rentrer en France et à se confiner. De ce confinement, elle déclare : C’est un peu ennuyant, mais il me permet de découvrir des auteurs importants que je n’avais pas le temps de lire avant. Une question reste cependant en suspens : vais-je parvenir au bout de La chartreuse de Parme ? Elle n’est pas la fille de sa formidable éditrice de mère pour rien. En attendant qu’elle finisse Stendhal, voici l’un de ses coups de cœur confiné.

« Hervé Joncour achetait et vendait des vers à soie ».
Alors qu’une épidémie ronge le continent européen, Hervé doit se rendre au Japon, « à la fin du monde », pour trouver des œufs de vers à soie sains et permettre ainsi au village de Lavilledieu de survivre. Il laisse donc sa femme, Hélène pour entreprendre ce long voyage.
À son arrivée, il rencontre Hara Kei qui se chargera de lui fournir les œufs dont il a besoin mais aussi une jeune femme qu’il ne peut quitter du regard. Il ne connaitra jamais le nom de cette femme, ne l’entendra jamais prononcer une parole ni ne la touchera jamais, ou seulement dans ses rêves.
La douceur de la robe en soie noire qu’il rapportera à sa femme pourra telle être aussi douce que cette jeune fille l’est dans son imagination ?
Hervé retournera à quatre reprises au Japon, pour les œufs sans doute mais aussi pour revoir cette femme. Le paysage ne change pas, les oiseaux, superbes, tourbillonnent dans la volière dont la vue est un spectacle merveilleux. L’atmosphère y est presque enchanteresse. Mais bientôt la guerre commence au Japon et Hervé Joncour ne pourra plus y retourner.
Après son dernier voyage, il ne la reverra jamais plus la mystérieuse inconnue. Pourtant, des années après, il reçoit une lettre qui ne peut venir que d’elle. Cette lettre se révèle une ode à l’imagination et au songe.
 L’air du Japon et la tendre rêverie qu’est cette jeune femme enchantent Hervé Joncour. Il lui faudra reproduire un jardin à Lavilledieu afin d’y recréer un spectacle des sens léger et intouchable, comme l’étaient les oiseaux dans le ciel. Il y retrouvera les sens que le voyage a éveillé en lui. Les voyages au Japon n’auront pas beaucoup changé notre personnage. Hervé Joncour reste un homme simple aux rêveries poétiques infinies. « On oublie toujours les raisons » lui dira un jour Baldabiou, un voisin amical. Peut-être que la jeune femme de ses rêves n’existe pas, qu’elle n’est qu’illusion mais Hélène, sa femme, était bien là.

*Soie, de Alessandro Barrico. Éditions Albin Michel (1997), Folio (2001).