Invité #23. Frédéric Launay.

Je vous avais déjà parlé de Frédéric il y a quelques semaines, à l’occasion de la lecture d’une des ses épatantes nouvelles. Le revoilà invité dans ce blog parce qu’il m’a semblé qu’avec sa longue et élégante silhouette, ses jambes d’arpenteur, son regard doux sur le monde, son rôle de passeur de livres, de partageur d’émotions – parce qu’il pratique son métier de journaliste et d’animateur d’une façon très sincère, il m’a semblé qu’il était celui qui nous emmènerait avec allégresse de cette année noire à celle de l’espoir (j’espère).
Il nous fait le cadeau de l’un de ses gros coups de cœur des dernières années – à lire en ces temps de trêve des confiseurs (dit-on). Bonne fin d’année à tous.

Launay Orsenna

« Un amour de ma vie.
Il existe deux façons, pour un gentilhomme, de se ruiner. De façon élégante, pour une femme. De façon certaine, en créant un jardin. En choisissant d’être paysagiste (et donc, de construire le jardin des autres) et en optant pour la fidélité, Gabriel Orsenna, le héros de Longtemps*, pense avoir pris une assurance contre ces ruines de l’âme que sont les passions.
Seulement voilà, le 1er janvier 1965, alors qu’il s’est réfugié au Jardin des Plantes, le hasard, qui est parfois joueur, le fait se diriger vers la galerie de l’évolution. Là, Élisabeth, l’amour de sa vie – ce qu’il ignore encore – se promène avec ses deux enfants au milieu d’une arche échouée.
Il croque la pomme si vite qu’il en oublie son serment de demeurer loin des folies amoureuses si souvent tragiques. Et Élisabeth repart, avec ses enfants, rejoindre un mari qui l’attend.
Cela aurait pu durer moins que ne durent les roses. Mais, Gabriel, fils de Gabriel et petit-fils de Gabriel – bon sang ne saurait trahir – qui avait tout fait pour lutter contre l’atavisme récurrent de ses glorieux ancêtres, infatigables soupirants, se retrouve embarqué dans un amour impossible. D’autant plus impossible que durable. Long, comme le sont les voyages qui vous transforment. Riche, comme l’est la vie, lorsque l’on adore.
Il y a dans le meilleur roman d’Erik Orsenna, tout ce qu’il faut savoir sur les ruptures définitives qui durent un week-end, sur ce qu’est l’attente effroyable devant un téléphone silencieux, la botanique impertinente, les étreintes vives et infinies, sur ce qu’est une passion, lorsqu’on ne craint pas de l’observer doucement. Lentement. Longuement.
De Séville à Gand, Gabriel et Élisabeth vont s’aimer, malgré tout. Trente-cinq ans. Construisant de secondes, de minutes, d’heures, de jours volés, une histoire que la géographie regardera avec envie. Dans cette quatrième dimension, ni la morale, ni les bonnes mœurs ne les atteindront. Le temps, presque éternel, fera de ces amants des héros. L’écrivain enthousiaste se charge, lui, de leur légende. Lisez Longtemps, cela passe si vite, un sentiment… ».

*Longtemps, d’Erik Orsenna (Pas encore de l’Académie Française lors de la parution du livre), 463 pages. Éditions Fayard et Livre de Poche.