Invité #24. Philippe Lafitte.

C’est sa tignasse à la Warhol qu’on remarque le plus – c’est peut-être d’ailleurs ce qui lui a inspiré son très beau roman Vies d’Andy,* en 2010.
Mais avant cela, j’avais eu la chance de pouvoir l’engager comme directeur artistique, en 2001, dans une grosse agence où il a, entre autres, conçu une campagne avec un cadavre dans les rues de Paris pour sensibiliser au Sida. Un vrai rigolo. Puis, entre deux campagnes, pendant les heures de bureau, il fermait sa porte et personne ne savait ce qu’il foutait. Et le voilà, un beau matin, qui débarque dans mon bureau avec un livre d’une grande beauté, Mille Amertumes, son premier roman. Suivront d’autres formidables pubs mais surtout d’autres épatants bouquins, jusqu’au plus récent, Belleville Shangaï Express, (Grasset, 2015). Philippe touche à tout avec un très grand talent : pub, littérature, scénarios (eh, les producteurs, vous feriez bien de vous bouger un peu), et s’offre le luxe de garder du temps pour découvrir les autres.
Ce qui en fait un type presque parfait.
Je lui ai demandé de nous présenter l’un de ses coups de cœur. Le voici.

Philippe Lafitte

« Laure Mi Hyun Croset est une écrivaine suisse d’origine coréenne mais ce qui la définit peut-être plus encore, c’est son amour inconditionnel de la langue française. Polaroïds1 est son deuxième opus, même si nous apprendrons qu’il s’agit de son premier texte envisagé pour parution ; qu’elle l’a différé en faisant paraître un an auparavant Les velléitaires2, recueil de nouvelles au style déjà maîtrisé, qui annonce la couleur et le projet « vertigineux et intime » qu’elle s’est fixée : donner un sens à sa vie en se vouant corps et âme à la littérature. Un bon programme d’écrivain.
Polaroïds est une autofiction sous forme d’instantanés, et l’on se dit que l’on va pouvoir picorer d’un paragraphe à l’autre, au grès de sa curiosité. Seulement voilà, dès le préambule, on est happé par cette écriture à la précision délicatement mordante, et par le prisme que Laure Mi Hyun Croset a choisi, avec lucidité et une belle dose de courage : celui de ses propres hontes (ce qu’elle appelle sans concession ses névroses dès l’incipit) et qui, curieusement, font écho aux nôtres. Quand le personnel atteint l’universel, on sait que quelque chose est en train d’advenir. Mélange de pudeur et d’audace, d’ironie et de fraîcheur, Polaroïds est un vrai bonheur de lecture, un bonheur troublant puisqu’il nous promène sur le fil d’une intimité qui ne cède en rien au voyeurisme, écueil toujours possible de l’autofiction.
Depuis, l’écrivaine genevoise amoureuse de la culture française a fait du chemin. Un récit en 2014 (On ne dit pas « Je »3, éditions BSN presse), un quatrième opus attendu en 2016 chez le même éditeur, elle prépare actuellement un roman sur un célèbre tueur en série français. »

1. Polaroïds. Éditions Luce Wilquin 2011. Prix Ève de l’Académie romande 2012.
2. Les velléitaires. Éditions Luce Wilquin 2010.
3. On ne dit pas « Je ». Éditions BSN Press.
*Vies d’Andy, de Philippe Lafitte. Éditions du Serpent à Plumes. Mille Amertumes, Un monde parfait et Étranger au paradis sont publiés chez Buchet/Chastel.