Il me semble que je connais Frank depuis toujours. Ce qui est évidemment faux puisque je suis un jeune écrivain et lui un éternel jeune homme doublé d’un vieil écrivain. Nous nous sommes connus par nos textes et les mots ont fait le reste. Avec 85 livres (tous genres confondus) derrière lui, son enthousiasme intact et son indiscutable talent me donnent l’impression qu’il se jette dans chacun de ses livres comme dans un premier roman, avec cette foi émerveillée, son besoin grandiose de partager l’amitié, la chaleur humaine, tant d’amour au travers de ses personnages. Frank sait mieux que quiconque qu’un livre peut changer une vie et comme il est l’homme le plus altruiste que je connaisse, il écrit aussi pour agrandir la vie de ceux qui sont à l’étroit. Respect, l’ami.
Je lui ai demandé de nous présenter l’un de ses coups de cœur, le voici.
« ÉCRIRE, C’EST S’ARRÊTER, écouter le silence, se laisser émouvoir par la vie, lâcher prise, s’abandonner. Il existe beaucoup trop de livres bavards. Ceux qui vont à l’essentiel sont d’autant plus précieux : Monsieur Origami* de Jean-Marc Ceci en fait partie. Un premier roman. Un livre qui, depuis sa parution en septembre 2016, connaît un destin solaire : trois prix littéraires** et surtout des milliers de lecteurs ravis.
Un livre qui nous offre de nous déplier, de respirer, d’aller à l’essentiel. Un roman qui nous invite à fréquenter nos ombres et notre clarté. Kurogiku nous conduit du Japon en Toscane : il y rencontre Casparo et Elsa. Il y rencontre le silence qui lui permet d’ouvrir un dialogue avec lui-même et avec cette vie qui le dépasse. Monsieur Origami n’est pas un livre tapageur qui envahit : ce roman sobre, délicat, avançant sur un fil, accompagne son lecteur, va à sa rencontre sur la pointe des pieds.
Lorsque j’ai lu Monsieur Origami, le temps s’est figé. Les mots de Jean-Marc Ceci m’ont conduit vers la plénitude. Le roman et moi, nous nous sommes tus ensemble. Comme on peut le faire avec un véritable ami. Il m’a offert une autre vision du temps : plutôt que de le mesurer et d’en devenir l’esclave, je me suis mis à le contempler. J’ai respiré le parfum tranquille des mots en suspens. Comme Kurogiku qui tente de comprendre comment le monde est plié. Et comment, après qu’on l’a déplié, il n’est pas chiffonné.
Il y a des livres qui indisposent tant leur auteur est imbu de lui-même et de sa froide intelligence, d’autres qui irritent gentiment parce que leur auteur se noie dans le flot de mots qu’il engendre. Monsieur Origami est un livre qui enchante. Il vient du cœur, il est écrit comme une respiration paisible et il célèbre la vie dans son immobilité silencieuse. Sans effets de manches, il conduit à l’humain. Il nous dépouille du brouhaha et nous habille de légèreté.
J’aime les livres (et les auteurs) généreux. Ceux qui sèment et qui permettent de grandir. Ceux qui prennent soin de leurs lecteurs en les menant vers la lumière, sans pour cela nier les ombres. Les livres qui posent les bonnes questions : À quoi sert-il d’avoir si être nous manque ? nous demande Ceci en nous laissant le choix de la réponse.
Monsieur Origami réussit un pari merveilleux : celles et ceux qui le lisent inventent, en le découvrant, d’autres livres, ceux que l’on peut créer en pliant mille et une fois les mots de Jean-Marc Ceci. Comme lorsqu’on fait un origami. C’est du grand art. Celui de la paix et de l’harmonie. »
*Monsieur Origami de Jean-Marc Ceci, Éditions Gallimard. En librairie depuis le 25 août 2016.
**Prix « Jeune Mousquetaire » de Nogaro 2017. Prix Edmée de La Rochefoucauld 2017. Prix Murat 2017 Un roman français pour l’Italie.