Librairie Cheminant, Vannes, le 27 novembre dernier. Aurélie Devoisin déboule dans cet ancien cinéma transformé en librairie ; elle a les joues rouges, les mains gelées d’avoir traversé la ville en vélo, à fond, de peur de me rater. Je suis en dédicace et, lorsqu’elle arrive, l’heure de mon train est proche. Mais nous prenons le temps de papoter. Elle est nouvelle dans cette ville. Elle vient de Lyon (on y mange bien), elle a vécu à Bessenay (pays du bigarreau), elle fait de la cuisine (forcément), et rêve d’ouvrir un café littéraire (on ira la supporter). Nous parlons alors des livres qu’elle aime, et je l’invite à présenter l’un de ses coups de cœur sur ce blog. Elle croit à une plaisanterie de ma part. Et deux mois après, la revoici (qui rime avec merci).
« Inspiré d’un drame ayant eu lieu à Shreveport en Louisiane en août 2010 ce roman de Judith Perrignon* m’a beaucoup touché, dans un premier temps par toutes ces voix qui prennent la parole et à partir desquelles s’élève une mélodie d’amour, mais me révolte aussi, par la violence de l’inégalité et la tristesse d’un héritage de l’esclavage ou de la ségrégation, malheureusement, toujours présentes.
« Piscines et squares ouverts aux deux races ». Nous sommes en 1949 aux Etats Unis. Cet écriteau, malgré l’aspect positif qu’il sous entend, n’a malheureusement, pas révolutionné les façons de penser du jour au lendemain. Les mélanges ne se faisaient pas, des émeutes ont lieu, les tensions perdureront et l’homme noir qui jusqu’ici ne pouvait pas accéder aux piscines ne peut toujours pas approcher l’eau sereinement.
Parce que bien avant ces années là, on pensait déjà : « L’esclave qui nage est devenu l’esclave qui s’enfuit ! Et donc passible de mort », la « peur s’est transmise de génération en génération ».
Et nous arrivons en 2010 bien loin de l’esclavage et de la ségrégation, mais la peur des uns n’a pas permis la découverte de la natation pour les autres. Judith Perrignon, nous raconte une famille, des liens indestructibles d’amour et de fraternité. Mais elle nous raconte aussi comment ces liens et l’héritage du passé ont emporté six adolescents « sous les yeux de leurs proches », le 2 août 2010 au fond des eaux de la Red River. « Chacun voulait sauver l’autre. Aucun ne savait nager. » Au travers de cet événement médiatisé à la radio, Judith Perrignon ouvre le débat : « Pourquoi les noirs ne savent pas nager ? » et donne la parole à l’un des sauveteurs qui étaient sur les lieux, nous livrant la dure réalité de son travail. Un livre émouvant d’une triste et puissante violence. Un livre qui ouvre les yeux et éveille les esprits. »
*Les faibles et les forts, Judith Perrignon, éditions Le Livre de poche. En librairie.