Archive | août, 2016

Tountânkhamix.

Jean Claude Laurent

Un été à la plage (5). En fait, Jean-Claude Laurent, l’auteur d’ « Opération Toutânkhamon* », c’est Jean-Claude Perrier et Laurent Lemire – duo de journalistes et écrivains reconnus. Et c’est drôle qu’ils soient deux, parce qu’en lisant leur (première) enquête de Louis Poirier, détective du passé, je n’ai pu m’empêcher de penser qu’ils étaient Tintin et Astérix réunis.
Tintin pour l’enquête pleine de rebondissements, de traîtres, d’empoisonnements, de crimes inexpliqués, de mystères anciens et de princes aux abeilles d’or, et Astérix pour le décor, les pyramides, la beauté vénéneuse de Cléopâtre, l’architecte Numérobis (ici il se nomme Amenhotep), pour les noms rigolards à dormir dehors, comme Souppilouliouma Ier, pour le vin, la bière et les Jeux – autrement dit, un sacré mélange.
Et c’est dans ce cocktail épatant, fruit d’une recette pour le moins originale, que se situe toute la joyeuseté de ce texte truffé de choses très drôles et très fines, autour d’une enquête historique palpitante comme un bon vieux Philippe de Broca (on pensera à L’Homme de Rio, mais en Égypte du XVIè siècle avant JC), et d’une petite phrase, au hasard de la page 80, un peu plus sérieuse que les autres, et terriblement annonciatrice de la débilité criminelle de notre époque : « Le problème avec les Dieux, ce sont leurs prêtres, ceux qui interprètent ce qu’ils croient être leur volonté ». Bien vu.

* Opération Toutânkhamon, de Jean-Claude Laurent. Éditions Lattès. En librairie depuis le 2 mars 2016, à point pour la plage.

Le livre qui élimine le cafard.

Daniel Evan Weiss

Un été à la plage (4). Vous ne les voyez pas, mais dans le sable chaud sur lequel vous êtes allongés, vivent des bestioles ravies à l’idée de vous débarrasser de vos peaux mortes, de s’établir entre vos doigts de pieds ou de faire la peau de vos ongles – les pityriasis versicolore, par exemple, ou les puces de sable.
Eh bien chez vous, c’est pareil.
Dans les plinthes, dans les murs, dans la plomberie, au fond des placards, vit le peuple des cafards, un peuple né il y a trois cent cinquante millions d’années et, à ce titre, beaucoup plus expérimenté sur les choses du monde que les hommes, espèce finalement extrêmement récente.
Dans le jubilatoire Les cafards n’ont pas de roi*, Daniel Evan Weiss est Nombres, un cafard né dans une bibliothèque de New York, élevé à la colle et la vieille encre des livres, vit aujourd’hui, avec des centaines de congénères, dans l’appartement d’Ira et de la Gitane (une femme parfaite puisque, lorsqu’elle cuisine, elle en met partout, au grand bonheur de nos battellae germanicae).
Mais voilà. Le couple bat de l’aile. La Gitane claque la porte et s’en va. Quelques temps plus tard, débarque Ruth. Et Ruth décide de refaire la cuisine, d’y ranger la nourriture dans les impénétrables Tupperware : il n’en faut pas plus à Nombres, Rufus, Clausewitz, Bismarck et les autres, pour la détester aussitôt et, partant, vouloir la dégager de l’appartement.
Je ne vous en dis pas plus, c’est absolument formidable.
Mais ce qui l’est encore davantage, c’est la façon inouïe dont Weiss, alias Nombres, une bestiole de quelques millimètres, de surcroit drôle et cultivée, nous dépeint et épingle nos obsessions (sexe, ordre, propreté et finalement, sexe, désordre et excitants), et nous fait sentir ridiculement petits. (Je vous invite à vous ruer à la page 78 et suivantes, et de nous découvrir aux toilettes).
Et, last but no least, une fois lu ce livre dingue, il devient un objet parfait pour écraser les cafards.

*Les cafards n’ont pas de roi, de Daniel Evan Weiss. Éditions Folio, n°4023. (Merci à Florence Mas pour ce second excellent conseil).