À ne pas manquer.

Lire au temps du virus. À l’heure où les choses se déconfinement et bien qu’on ne puisse encore retrouver les embrassades d’antan, quelle joie de lire une étreinte fabuleuse entre une mère et sa fille. Histoire de nous rappeler à quel point c’est chouette. L’amour.
Revoilà Lorraine. Avec son écriture à pas feutrés. Ses histoires groisillonnes. Ses voyages au bout du monde. Ses personnages pétris de tendresse, parfois tordus par quelques chagrins. Et toujours ses fins bienheureuses – à ne pas confondre avec ces happy ends bêtifiants. Mais attention. Elle nous délivre ici, je crois, une histoire très personnelle. Et comme la pudeur l’oblige, elle la dissimule sous une couverture au graphisme léger. Dans un roman doux. Confortable.
En 2014, elle nous avait offert un bijou, J’ai rendez-vous avec toi*, où elle portraiturait son père, cet immense gaillard, ministre du Général, diplomate, papa parti trop tôt, un récit sans aucune briganderie racoleuse
Voici qu’elle nous parle cette fois de sa mère, sans oser le récit – du coup, la distance qu’elle met n’en rend les choses que plus bouleversantes.
Ainsi Cerise (Lorraine), écrivain (comme Lorraine) raconte que Lise (sa mère) ne voulait pas d’elle, mais d’un garçon. C’est l’origine du grand malentendu. Les deux ne parviennent pas à s’aimer. L’abîme se creuse encore lorsque Alex (son père) meurt et qu’elles se retrouvent seules. La mère sans fils. La fille sans père. Lorraine, pardon, Cerise, raconte alors ces rendez-vous manqués entre elles, ces mots de travers qui restent en travers de la gorge, ces gestes qui blessent alors qu’ils se voulaient tendres. Et puis Lise tombe malade. La maladie de l’oubli. Elle redevient enfant. Se prend pour un lapereau. Tape du pied comme le Panpan de Bambi. C’est la fin de sa vie. C’est la fin du livre. Ce sont les plus belles pages de Lorraine. Celles où éclot l’amour d’une mère et de sa fille. Celles où l’ombre du père s’affine pour laisser une place. Celle où la mort réunit dans la vie ceux qui s’aiment et ont failli se manquer. Les mots arrivent tard. Mais ils sont enfin là. Pour toujours.
Lorraine est désormais orpheline, mais ses parents sont vivants.

*J’ai rendez-vous avec toi, éditions Héloïse d’Ormesson, 2014.
** J’ai failli te manquer, de Lorraine Fouchet, éditions Héloïse d’Ormesson. Sortie en librairie le 4 juin 2020.