Hugo Boris dans le métro.

Lire au temps du virus. Souvenez-vous. C’était il y a quatre jours. C’est-à-dire cent ans. On pouvait marcher dehors comme on voulait. Serrer une paluche. Embrasser un ami. On pouvait rire et se mélanger. On prenait même le métro. Vous savez, ce machin sous terre dans lequel on était serré comme sardines. Eh bien, en voici quelques nouvelles.
Voilà Hugo Boris, notre sémillant jeune homme de 41 ans, déjà auteur de six livres, tous primés quelque part, et d’une dizaine de courts métrages, qui ose enfin ouvrir la grosse enveloppe boursouflée de notes qu’il a compilées pendant des années de trajets en métro et RER B et D et dans lesquelles il pointe le courage des autres (qui donnera son titre à l’ouvrage), mais surtout sa lâcheté à lui. Lui, le karatéka ceinture noire première dan qui n’ose pas lever le petit doigt, faire le moindre kata pour protéger la veuve et l’orphelin voyageurs. Lui, qui baisse les yeux devant un clodo aviné selon la théorie infantile des écoliers : si je ne vois pas on ne me voit pas. Lui, si prompt à surprendre les conversations des autres, est incapable du moindre mot pour freiner un violent, bloquer une menace, empêcher un mauvais coup. Alors bien sûr, on fête les petits héros anonymes qu’il croise dans le métro et repoussent le chaos annoncé des choses et on ne peut s’empêcher de moquer les désarrois du pauvre Hugo jusqu’à ce moment assez désagréable, nauséeux même, où l’on s’aperçoit que ce n’est plus de lui dont on rit, mais de nous. De notre lâcheté à nous. Car qui de nous ne s’est jamais levé pour aller casser la gueule à trois gaillards qui emmerdaient une fille seule, un soir, dans le RER B vers La-Croix-de-Berny ?

*Le courage des autres, de Hugo Boris. Éditions Grasset. En librairie depuis le 6 janvier 2020.