La haine est le seul assassin qu’on n’arrête jamais.

Ce qu’il y a de toujours absolument fascinant avec ce genre de livre à la frontière entre la vérité et le possible, soit le lieu fictionnel par excellence, c’est qu’on ne sait pas en le refermant si on a lu une hypothèse ou une reconstitution. Mais une chose est sûre. Avec Assassins !* de Jean-Paul Delfino, on a lu un sacré bon bouquin, formidablement bien écrit, qui « hypothèse » ou reconstitue la mort du grand** Zola, des suites d’une asphyxie causée par les émanations toxiques émises par sa cheminée, en ce matin du 29 septembre 1902. Il avait 62 ans.
Et voilà Delfino à nous raconter, comme si on y était, le climat curieux, malsain, nauséabond de cette France de l’après-Dreyfus, avec la volonté de certains d’en découdre avec les juifs et ceux qui les défendaient. À un moment du livre, un personnage dit qu’il n’y aura bientôt plus d’antisémitisme en France. Un autre s’en réjouit et lui demande pourquoi ? Parce qu’il n’y aura plus aucun juif. (Pour la petite histoire, je venais à peine d’achever la lecture de ce livre, lorsque Zemmour commença son discours effrayant à la Convention des droites. Comme quoi, nos démons français ont la peau bien épaisse. La haine est plus vaillante que l’amour dans nos campagnes. Bref). Deflino nous offre d’être le spectateur privilégié d’une nuit dans la chambre de Zola, tandis que sa femme (qui survivra) et lui agonisent dans d’épouvantables douleurs. Il nous fait, en une nuit, revivre le fabuleux parcours de l’immense écrivain, ce petit gars du sud, « zézéyant », bigleux, aux dents pourries, qu’on surnommait Gorgonzola et qui voulait à tout prix être écrivain, et dont le plus grand chagrin supposé ou reconstitué aura été de n’être resté que « Zola, l’homme de l’affaire Dreyfus » (page 197). Du bien bel ouvrage.

*Assassins ! de Jean-Paul Delfino. Éditions Héloïse d’Ormesson. En librairie depuis le 5 septembre 2019. La vraie couverture du livre est la même en bien plus jolie – celle-ci a été réalisée pour le service de presse.
**Il a beaucoup écrit sur mon pays du Nord, d’où cet adjectif en forme d’hommage respectueux.