Pyongyang, A/R, 17 euros.

Lire au temps du virus. Le monde se bat contre le Covid-19. Mais il est un pays où pendant ce temps, on lance deux missiles balistiques de courte portée vers la mer du Japon. Curieuse de lutter contre le virus. Ici, on préfère lancer des bons livres. Comme celui de Marc Nexon.
Je me souviens de cette époque où, pour des raisons de pépètes, nous allions tourner nos films de publicité à Budapest. C’était avant le mois de novembre 1989. Le mur était encore là. Cicatrice de béton. Dans la ville, aucune enseigne gueularde. Pas de McDo. Orange. Coca-Cola. Mercedes. H&M. Du gris. Du silence. Nous avions deux guides. L’un pour nous guider. L’autre pour nous surveiller. Voir si ce que nous filmions ne dénaturait pas la belle République Populaire de Hongrie, respectait ses aimables valeurs marxistes-léninistes. Ceci dit, en accueillant un tournage pour le nettoyant Ajax, leurs dogmes vacillaient déjà. Alors, en lisant l’épatant récit de Marc Nexon sur sa traversée de Pyongyang, ces souvenirs ont refait surface. Mais ce que Nexon raconte* ici est plus terrible encore. Car dans les rues désertes, on sent l’odeur de la peur. Dans les regards des femmes, on voit la peur. Dans les attitudes des hommes, la peur encore. La peur. La faim. Le silence.
Voici l’un des rares récits sur ce pays d’un journaliste déguisé en marathonien qui court sans regarder la ligne d’arrivée mais tout autour de lui. Qui voit les mensonges. Tous les mensonges et les chagrins. La ville comme un décor. Qui me rappelle ces décors montés dans camps de concentration lorsqu’une délégation étrangère venait visiter un camp de travail. À l’époque, le tyran avait une moustache en brosse à dents. Aujourd’hui, il a une coiffure à la Peaky Blinders. Mais le résultat est le même.

*La traversée de Pyongyang, de Marc Nexon. Publié chez Grasset. En librairie depuis le 12 février 2020.