Archive | novembre, 2014

On the road.

Outre une sélection sur la liste du Prix Goncourt cette année, quelques jours en province dans le cadre du Goncourt des Lycéens, nous partageons, Joy Sorman* et moi, une très grande tendresse pour ce Canada** de Richard Ford. Notamment, pour l’une des plus belles scènes de filature en voiture jamais écrites ; décrite par un enfant, Dell Parsons, dont la route chaotique va le mener à la cruauté de la vie d’homme et surtout, bien au-delà. A lui-même.

On the road

 

*La peau de l’ours, éditions Gallimard.
*Canada, de Richard Ford, éditions Points. Prix Femina Étranger 2013.

Après Mick, Pierre.

Vavasseur

L’immense Pierre Vavasseur (journaliste à la plume velue, écrivain doué et poète pudique lorsqu’il ne chante pas) nous revient enfin avec sa guitare, ses grolles graves et des chansons douces comme les chantait ma maman ; apaisantes, même, à côté desquelles dit-il, Carla Bruni, c’est les Shaka Ponk. Ne pas y aller c’est se priver d’un peu de la beauté du monde.
Deux dates, donc : Le jeudi 4 décembre à 20h15 au Café de la Mairie*, 51 rue de Bretagne, 75003 Paris. Et le vendredi 12 décembre à 19h30 au Théâtre de l’Alliance Française**, 101 boulevard de Raspail, 75006 Paris.

* Au premier étage, dans une salle à l’acoustique entièrement rénovée. Le patron apprécierait une conso.
** En ouverture de la soirée « Mots en Musique ». Présentation par Jérôme Clément. Entrée libre. Cocktail après. Très chic, quoi.

La femme à monsieur Jules.

La femme à monsieur Jules

Une libraire (celle qui a un chien qui me regarde comme si j’étais une saucisse) m’a un jour conseillé ce livre*. Qui ne donne pas forcément envie au premier abord. Imaginez, un couple de vieux. Après une vie ensemble, elle a obtenu du monsieur du titre qu’elle ait droit à quelques instants seule dans leur lit, chaque matin, pendant que le Jules en question prépare le petit déjeuner. Mais voilà. Ce matin là, quand elle s’extirpe de sa confortable solitude méritée, le julot s’est rendormi sur le canapé (bon, après avoir préparé le petit déjeuner, il est vrai). Mais ce qui trouble la femme à monsieur Jules, c’est que ses lunettes sont par terre. Alors elle devine. Elle comprend. Elle sait. Elle va alors enfin pouvoir lui dire, à Jules, tout ce qu’elle a sur la patate depuis tant d’années. Le bon comme le mauvais. Tout. Même les enfants qui disparaissent avec l’eau des toilettes, comme des chatons. C’est beau, c’est féroce, c’est désespéré, c’est profondément humain.

*Une journée avec monsieur Jules, de Diane Broeckhoven, enfin en 10/18 (Merci Carine Fannius).

La plupart des alpinistes meurent dans leur lit.

C’est écrit, page 164 ; et c’est une phrase qui, si elle peut résumer une vie, résume ce livre* formidable. Je ne connaissais pas Paul Veyne (pas de veine, dirait-il), sans doute parce que je ne me suis pas (encore) intéressé à son travail d’historien de Rome, spécialiste de Foucault, admirateur de René Char, « ce colosse colérique et conquérant ».
Paul Veyne est un alpiniste de la vie. Un aventurier de son époque. Un très chic professeur du Collège de France (dont la seule grande obligation est d’y faire 16 heures de cours –on dit conférence d’ailleurs… par an). Il a 84 ans. Son livre de souvenirs a la plume légère d’un jeune homme et l’élégance de celle d’un homme, puisqu’elle n’est jamais revancharde. J’y ai découvert une personne qui aimait sa vie. Je l’ai refermé en quittant un père à qui son fils manquera toujours, un homme qui aimait deux femmes qui l’aimaient, un ami que je regrette de ne pas (encore) connaître.

Veyne

* Et dans l’éternité je ne m’ennuierai pas, de Paul Veyne, aux éditions Albin Michel. Prix Femina de l’essai 2014.

Bien avant l’heure.

Siodmark

Écrit en 1942, publié par Gallimard en 1949, ce roman noir dont Gaston Gallimard disait aux détracteurs du genre que, s’il les éditait, « c’est parce qu’il faut bien que je paye mes poètes », est une merveille d’anticipation, bien avant 1984 ou, plus récemment, la série Real Humans. Voici l’histoire du cerveau d’un nabab (corps explosé dans le crash de son avion) qui prend doucement possession de la chair, des viscères, des yeux, des mains d’un autre. Il l’envahit. Le manipule. Le soumet. Un petit cousin du Démon de Selby Jr. Sans le savoir, Siodmak – qui était surtout scénariste de films d’horreur, signait un texte glaçant sur la manipulation ; à considérer sérieusement, à l’heure où ni Google, ni Facebook, ni personne d’ailleurs, ne nous possède, ne nous utilise, ne nous vend, ni ne nous ment.

Le cerveau du nabab, de Curt Siodmak, éditions Gallimard, Série Noire. (Il reste quelques occasions sur fnac.com).