Archive | juin, 2019

Du plaisir du contretemps.

Alors évidemment, j’ai attendu que retombent les étoiles qui accueillirent ce premier roman, que s’éloignent les mots enthousiastes, encomiastiques même, comme souvent lors de l’apparition d’un inattendu premier roman (souvenez-vous du Fakir de Puertolas, de Bojangles de Bourdeaut, de La vraie vie de Dieudonné ou encore Le liseur du 6 h 27 de Didierlaurent), j’ai emporté le livre de l’autre côté de la mer et je l’ai lu entouré d’une langue étrangère. La Tresse tisse les portraits très émouvants de trois femmes, à la manière de trois nouvelles, et les relie à la fin, avec habileté, comme dans les nouvelles anglo-saxonnes, justement. Trois combats contre le mal fait aux femmes.
Il y a une naïveté qui tient de la bienveillance dans ce texte, et une bienveillance qui tient de l’espérance. C’est cette improbable crête qu’a suivie Laetitia Colombani, sans jamais verser dans le cucul ou la praline, comme le réussit formidablement bien d’ailleurs la série américaine This is us.
La Tresse est un joli film tourné avec des mots – ce qui n’est pas étonnant quand on sait que Colombani a déjà derrière elle deux longs métrages avec des images cette fois (À la folie… pas du tout et Mes stars et moi), un troisième en post-production et un nouveau roman en librairie depuis le 15 mai, que je lirai forcément quand vous l’aurez tous lu !

*La Tresse, de Laetitia Colombani. Éditions Grasset (2017), éditions Le Livre de Poche (2018). Cela n’a rien à voir, mais La Tresse est le 400 ème livre chroniqué ici.

Quel est son secret ?

Bien que certains critiques semblent s’étonner qu’il y ait un personnage d’écrivain dans La vie secrète des écrivains – il y en a même trois : Nathan Fawles, Raphaël Bataille et Guillaume Musso –, il faut rappeler que le personnage de l’écrivain occupe depuis longtemps une place importante dans les livres de Guillaume. Ainsi compte-t-on Tom Boyd, le héros de La Fille de Papier, Gaspard, l’auteur écorché d’Un appartement à Paris, Thomas, l’écrivain français à succès, résident à Manhattan de La jeune fille et la nuit et enfin les trois suscités de ce dernier roman. Au total, « l’écrivain » pèse pour 25% dans l’œuvre de Guillaume. Et c’est cette quête d’identité, encore une fois, que je trouve fascinante dans ce nouveau roman. J’ai en mémoire cette phrase de Michaux : J’écris pour me parcourir et j’ai la faiblesse de penser que, d’une façon ou d’une autre, elle concerne tous les écrivains, Guillaume y compris. Ainsi, au fil des pages de ses nombreux livres, comme les couches d’un oignon que l’on dépiaute, l’on s’approcherait toujours plus près de sa personne d’écrivain qui, même s’il la maintient à distance au moyen des fictions d’enquêtes, de passé qui ressurgit, de vengeances et autres rebondissement, finit par affleurer. Dans La vie secrète des écrivains (au-delà de l’intrigue toujours irréprochable) c’est sur son métier qu’il s’interroge, sur la pérennité du talent, sur l’inspiration, sur l’usure du temps qui gangrène certains désirs, sur le rôle de la critique, le poids du public, l’enfermement dans un genre, sur cette séparation à la mode de l’homme et de l’artiste, bref c’est sur son œuvre qu’il semble s’interroger, jusqu’à se réinventer en personnage de fiction qui porte son propre nom, signant, page 321, une apostille à son propre roman. Je crois, et cela n’engage que moi, que, livre après livre, Guillaume lève prudemment un voile sur ses douleurs, et pour qui sait les relier depuis ses premiers textes, fait apparaître un homme profondément humain, en proie à l’inquiétude et à la joie. C’est le beau secret de ce livre.

*La vie secrète des écrivains, de Guillaume Musso. Éditions Calmann-Levy. En librairie depuis le 2 avril 2019. (Et comme promis, Guillaume, lu à New York !).

Le 501ème.

Il y a beaucoup, beaucoup de gens qui aiment les livres et qui en parlent, comme les librairies, les journalistes, les blogueuses (je mets le mot au féminin car il me semble que les hommes sont moins nombreux à partager leurs coups de cœurs littéraires, par contre, ils le sont davantage pour la pêche et le choix d’un hameçon anti-herbes ou crochet Siwash, ou encore le tuning d’une vieille 205 GTI 1.6), mais rares sont ceux et celles qui en font un livre, car quoi de mieux qu’un livre qui aime les livres ? Un livre qui donne envie de tous les livres ? C’est ce trésor* que nous livrent aujourd’hui Héloïse Goy et Tatiana Lenté – créatrices du blog Peanut Booker – dans ce livre d’amour de tous les livres, et notamment de 500 d’entre eux ; des livres qui, comme le promet le sous-titre, réenchantent la vie. Et quand on sait qu’un seul livre enchante la vie, répare, agrandit, immensifie, éclaire, cajole, avec celui-ci, on s’envole.

*Bibliothérapie, de Héloïse Goy et Tatiana Lenté. Préface du facétieux Alexandre Jardin. Editions Hachette. En librairie depuis le 22 mai 2019. Avec une mise en page, des dessins et des coups de cœur d’auteurs tous plus épatants les uns que les autres.