Archive | octobre, 2025

25, année Sthers.

Après la réédition en janvier de cette année du Vieux juif blonde et la sortie concomitante d’un nouveau roman Les Gestes, voici un troisième livre*, d’Amanda, ses feuilles d’automne cette fois : C*.
C comme Champignon. Comme Cocu. Comme Connerie. Comme Complotiste. Bref, un roman à nul autre pareil puisqu’il y est question du 7-Octobre, de Gaza, du Hamas, d’un champignon (métaphore de toutes les métaphores) qui pousse au plafond de la maison d’une éditrice juive mariée à un goy amant d’une fan de Jordan Bardella, « beau garçon » (page 117) et du Rassemblement National, lequel goyim re-baisera finalement sa femme, tous deux régénérés par les excitations sexuelles de l’insulte découvertes auprès la maîtresse patriote : « Sale juive ! Sale juive avec ton nez crochu ! » hurlera-t-il pendant l’acte (page 164) les faisant ainsi terriblement jouir tous les deux, sa femme et lui.
Bref encore, un roman hors norme qui, selon certaines critiques glanées sur la Toile est « drôle », « fait réfléchir », « kafkaïen » — d’où ma difficulté à en faire une chronique plus précise.
Une phrase cependant m’a marqué dans l’exercice périlleux et, partant, courageux, auquel s’est ici livrée Amanda. Page 171 : « L’immédiateté, c’est le travail des réseaux sociaux, pas de la littérature ». 
Je crois que c’est précisément là que se crayonne la limite trouble de ce roman roublard écrit à chaud.

*C, d’Amanda Sthers, aux éditions Grasset. En librairie depuis le 1er octobre 2025.

Deux étoiles.

Un parfum de Montherlant. Une distinction à la Robert Mulligan. Une mélancolique poésie des chairs et du désir. Une musique de la peau. Un vocabulaire du silence. Et un cri du cœur. C’est la poitrine lourde que Jean Nainchrik se souvient de Jean et de Léo en Italie, un voyage scolaire à dix-sept ans. L’amour entre garçons, alors que dix filles rêvaient d’eux. Un amour que ne peuvent écrire les mots car “Les mots ne sont pas la pulpe des doigts. Ils ne sont pas la traversée des sens”, “Les mots sont un bruit de trop” (page 52).
Dans ce livre*, comme un journal intime, une lettre inachevée, un amour brûlant même quand tout s’est éteint, Jean continue à faire briller l’étoile Léo et c’est dans cette guerre contre l’absence et l’oubli que se dessine la très grande élégance de ce texte.

*Tu m’as volé mon étoile, de Jean Nainchrick — et Pierre Vavasseur dont le regard a « policé » ce récit — , aux éditions Récamier. En librairie depuis le 9 janvier 2025.

Noli iudicare iudicem.

Quand il ne juge pas dans ses cours d’assises, le juge Marc Trévidic juge la justice et nous livre non pas un ramassis de conclusions jargonesques mais un livre absolument formidable d’intelligence, de lucidité, d’esprit et d’humour. 
Justice présumée coupable* est construit autour de célèbres locutions latines de droit, comme « Pro modo probationim », « Qui bene amat bene castigat » ou celle-ci, connue de tous, « Idem est non esse et non probari ». Elles sont d’abord expliquées puis brillamment commentées avant d’être illustrées par des situations vécues par Marc. Lesquelles vont du terrorisme au coup de couteau d’un gamin (formidable chapitre sur la différence entre « piquer » et « planter ») ; du viol et de la curieuse évolution juridique de sa définition à l’arnaque aux aides sociales ; et de la gravité à l’absurde des lois car un juge juge selon les lois mais ne les fait pas. (Ainsi, si l’on relâche, par exemple, en quelques heures, des mineurs coupables d’une violente agression sur un policier, ne jetons pas la pierre aux juges mais aux législateurs). 
Après Qui a peur du petit méchant juge ?* Marc nous confirme qu’il est non seulement un grand juge mais un aussi un grand écrivain de la folie judiciaire des hommes.

*Justice présumée coupable, de Marc Trévidic. Aux éditions Albin Michel. En librairie depuis le 1er octobre 2025.
**Qui a peur du petit méchant juge ? aux éditions JC Lattès. En librairie depuis le 1eroctobre 2014.
Aux non-latinistes, le titre de ma chronique signifie : « Ne juge pas le juge ». (Les photos illustrant cette chronique ont été prises en septembre 2025 dans le train et au Château de Montaigne où Marc et moi présentâmes nos livres).