Author Archive | Grégoire Delacourt

Selon Margaux.

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Voici quelques titres qui, selon elle, ont, je cite, enchanté son hiver. (Elle, c’est Margaux Henin, la libraire passionnée de la librairie Passion Culture, à Orléans*).
Amours de Léonor de Recondo (ed. Sabine Weispieser) pour son histoire qui mêle tradition et modernisme et sa langue si musicale, si douce, si ensoleillée, si fine (…)
– François-Henri Désérable et son Evariste (ed. Gallimard), roman absolument formidable qui réconcilie la littérature et les mathématiques dans une prose délicieusement érudite, drôle et impertinente.
Une vie après l’autre de Kate Atkinson (ed. Grasset) est un roman labyrinthique qui nous emmène au cœur des bouleversements du XXe siècle à travers Ursula Todd, une jeune anglaise que le destin s’amuse à malmener. Une narration particulière pour une vie si singulière… A découvrir!
Dans son propre rôle de la lilloise Fanny Chiarello (ed. de l’Olivier) retrace la fortuite rencontre de deux femmes, de conditions sociales quasi similaires, passionnées par l’opéra. La confrontation de ces deux personnages fera écho à leur condition de Femmes, de domestiques, à leur envie de liberté et au poids des institutions anglaises.
La promesse de Jean-Guy Soumy (ed. Robert Laffont) : Un texte remarquable sur un fait peu connu: la réception du suicide au XVIIIe siècle. Au delà de ce thème (qui peut sembler peu engageant), Jean-Guy Soumy nous raconte une magnifique histoire d’amour faite de pureté, de respect et de promesses.

*Librairie Passion Culture, 1, rue des Halles – 45000 Orléans. Tél : 02 45 48 80 00

Le niqab est-il soluble dans la République ?

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À l’école, Lydia Guirous devait faire le bonheur de ses profs. Ses exposés devaient être clairs, se rédactions évidentes et ses dissertations limpides. Il n’est donc pas étonnant que son premier livre* (sur un sujet casse gueule) soit efficace, précis et surtout instructif. Fille de l’immigration, adolescente roubaisienne, elle nous démontre son amour de la République, milite pour la laïcité, et démonte, brique après brique, les raisons de la montée de l’islamisme –qui prend son origine dans la couardise électoraliste de nos chers politiciens de tous bords et ce, depuis plus de trente ans. À ce titre, Allah est grand, la République aussi est un livre nécessaire. Et puisque Guirous évoque la trajectoire vers l’islamisme de deux jeunes filles, Linda et Carole, je ne peux m’empêcher de vous renvoyer au livre magistral de Marc Trévidic, Terroristes**, qui raconte comment nos enfants passent soudain à l’acte. Avec une détermination qui fait froid dans le dos.

*Allah est grand, la république aussi, Lydia Guirous, éditions Lattès.
**Terroristes, les 7 piliers de la déraison, Marc Trévidic, éditions Lattès.

 

Plein les yeux. Et plein le nez.

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Voici un texte incroyable*. Hallucinant, même.
L’histoire d’un enfant de 6 ans qui voit son père buter (vrai flingue, vraie tête qui explose, vrai sang) un automobiliste qui le bloque sur un pont ; ce même père qui lui enseigne (preuve à l’appui) que « le mal est plus fort que le bien », et qui finit par devenir pire que lui.
L’histoire d’un gamin qui se retrouve au Vietnam – les pages qui concernent cette période sont plus monstrueuses que tout ce que le cinéma nous a montré à ce sujet, de Deer Hunter à Apocalypse Now. L’histoire d’un homme qui deviendra un cador de la mafia puis un cocaïne cowboy pour le compte de Don Ochoa et d’Escobar. Qui connaîtra autant de putes que de millions de dollars. Fréquentera, entre autres, l’acteur James Caan dont on dit qu’il n’aurait plus du avoir de nez avec tout ce qu’il s’y enfilait (page 584), Manuel Noriega, dictateur vérolé, dont les doigts (et autre chose sans doute) aimaient à fouiller les petites filles de 10 ans (page 644), et cent autres curiosités humaines encore. Bref, tout cela serait de la rigolade si tout cela n’était pas absolument vrai. Ce qui rend ce témoignage indispensable.

*American Desperado, Jon Roberts et Evan Wright. Editions Le Livre de poche. En librairie.

Ah, les premières fois.

De même que Macha Makeieff avec son Nouveau Bréviaire pour une fin de siècle – Méditation affectueuse sur des objets ordinaires* nous racontait, au travers des gourdes en plastique, des ramasse-monnaie, et autres pichets de vin en terre cuite façon faux bois et coulures de pinard, nos souvenirs perdus, Nicolas Delesalle** nous offre un émouvant catalogue des émotions qui font les enfances inoubliables : la Renault 25 GTS (et non pas la GTX, hélas), la découverte que ça sort par là où on fait pipi, Michel Drucker et Mickael Jackson, les baisers ratés, les routes de vacances, les pornos cryptés de Canal+, les chiens qui meurent et qui donnent envie de vivre, les profs qui comptent, la découverte du Siddartha d’Hermann Hess, les premières ruptures qu’on foire toujours et vingt autres encore. Voici un parfum de très bon premier livre à la belle écriture, fraîche comme une herbe honnête qu’on vient de couper.

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*Éditons du Chêne, 1998.
** Un Parfum d’herbe coupée, Nicolas Delesalle. Éditions Préludes. En librairie.

Soudain un inconnu vous offre un disque.

Un jour, alors que vous êtes dans une sorte de supermarché culturel, un type s’approche de la table derrière laquelle vous installé, et sur laquelle sont posés quelques exemplaires de vos livres. Il vous dit qu’il adore votre travail et qu’il aimerait vous faire un cadeau. Alors il vous donne un disque. Son disque*. Vous le remerciez bien sûr (c’est moins grossissant que des chocolats) et, plus tard, en rentrant sur Paris, bloqué dans les embouteillages, vous écoutez le disque. Et là, paf. Vous avez les tripes qui remuent. Vous pensez aux mélodies d’Ólafur Arnalds. A certains trucs grâcieux d’Alexandre Desplat. Et vous n’avez qu’une envie. Faire savoir qu’un putain de compositeur est né.

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*La désillusion de Léa, Stéphane Giardina, Lalouine éditions.

Marc & Levy.

Marc & Levy

On pourra dire ce qu’on veut de lui, il l’aura dit avant nous.
Page 163, par exemple.
Elle*, Mia (l’héroïne) se rend dans une librairie pour acheter les romans de Paul Barton (le héros), double badin de lui. Dialogue :
– Tenez, le voilà, c’est le seul titre que j’ai de lui.
– Vous pourriez commander les autres ?
– Oui, bien sûr. Mais j’ai aussi d’autres écrivains à vous proposer si vous aimez lire.
– Pourquoi ? Cet auteur n’est pas pour les gens qui aiment lire ?
– Si, mais disons qu’il y a plus littéraire.
– Vous avez déjà lu un de ses romans ?
– Hélas, je ne peux pas tout lire, dit le libraire.
Dans Elle & Lui, Marc se moque de Levy et fait s’y croiser, de façon cocasse, ses textes légers avec un drôle de Médicis étranger. Levy n’est pas dupe de Marc, et assume joyeusement sont statut d’écrivain libre qui a bien compris que pour faire plaisir à ses lecteurs, il fallait d’abord se faire plaisir à soi.

*Elle & Lui, Marc Levy. Editions Robert Laffont/Versilio. En librairie depuis le 5 février 2015.
PS. Ultime et épatante autodérision, ce commentaire de Paul Barton à propos d’Elle & Lui, en quatrième de couverture : « Magique. Jubilatoire. Un vrai bonheur ».

Entrée dans la vie.

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Sortie de boite* est un roman très court. 67 pages. 60 exactement, si l’on décompte les pages de garde. Mais lorsqu’on l’a lu, on s’aperçoit que c’est une véritable prouesse d’être parvenu à mettre autant de choses dans ce très court roman, autant d’émotions, autant de colères, de tentations, d’ivresses et d’apaisements (ou de frustrations ?) à la fin ; autant dire que Jean-Christophe Millois (au demeurant admirable libraire**) ne donne pas dans le gras, les adverbes ronflants ou les descriptions verbeuses. Il raconte à l’os la fin de l’adolescence dans toute sa violence, celle qui consiste à faire le deuil d’une part de soi pour entrer dans la vie des hommes. Ça se lit vite, mais ça dure longtemps.

*Sortie de boite, Jean-Christophe Millois, éditions Lattès, collection « Plein Feu ». En librairie le 11 février 2015.
**Librairie de Paris, Place de Clichy, 75017 Paris.

Un vrai pas dans l’oeuvre de Mathieu Belezi.

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Page 107*, commence la plus terrifiante invasion de sauterelles que j’ai jamais lue – même celles qui dévorèrent ce qui avait survécu à la grêle, dans les Sept Plaies d’Égypte (Exode, 7-12) –, sont de la rigolade à côté. Cette déferlante est la violente métaphore de la vie d’Emma Picard, partie s’installer avec ses quatre fils en Algérie, dans les années 1860, contre la promesse d’une terre de vingt hectares, d’une ferme, et surtout d’un formidable espoir, le tout bien emballé par un petit fonctionnaire encravaté. Cette nuée d’orthoptères résume la désolation de cette famille (et de tant d’autres colons abusés), de tout ce qui est sans cesse à recommencer, sans cesse détruit ; de l’immense ingratitude de la vie, de l’absence ; de l’abandon surtout de Dieu. Emma Picard est une femme dont les bras sont trop faibles pour la tragédie (au sens le plus noble) qu’elle doit porter, et dont l’immense courage ne fait pas tomber la pluie ou remplir les puits, ni la foi ressusciter les enfants que broie la terre algérienne. Une femme inoubliable, en somme.

*Un faux pas dans la vie d’Emma Picard, de Mathieu Belize, éditions Flammarion. En librairie.