Qu’il est beau de voir le rêve d’une petite fille de douze ans se réaliser enfin, même trente-sept ans plus tard. Douze ans, c’est l’âge qu’avait Adélaïde lorsqu’elle découvrit Les Trois mousquetaires et surtout rencontra, au travers des pages, Milady de Winter, cette jeune femme dont l’ogre Dumas fit l’ennemie des trois mousquetaires et de leur ami d’Artagnan, l’espionne de Richelieu et surtout, la malédiction des hommes. Douze ans, c’est l’âge où l’on n’est plus une petite fille et où l’on soupçonne déjà la tragédie des femmes, leurs sacrifices à venir et, par-delà leur effacement, le triomphe du bon plaisir des hommes. Alors Adélaïde se jure qu’un jour, elle vengera l’honneur de Milady, et à travers elle de toutes les héroïnes qui ne servent qu’à servir la soupe à ces messieurs. Elle lui rendra sa gloire et sa grâce, son prestige et sa force, et c’est ce qu’elle fait admirablement bien dans ce Je voulais vivre*, un roman de cape et d’épée, un roman de sang et d’amour, de vengeance et de féminité, de faim et de courage, un roman de carnage et de piété. Un livre de haute volée stylistique et d’élégance en chaque phrase, car il en fallait pour remettre au monde l’immensité des femmes et convaincre un jury littéraire composé de 70% d’hommes. Chapeau, Milady.

*Je voulais vivre, d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre. Aux éditions Grasset. En librairie depuis le 20 août 2025. Prix Renaudot 2025 (livre acheté avant l’apparition du véritable bandeau rouge).