Capri, c’est (pas) fini.

Je me suis souvenu du Guépard, du Jardin des Finzi Contini, de La leçon de piano et j’avais pensé qu’il y avait toujours quelque chose de tragique et de tellement humain à situer un drame, une violence, dans des endroits aussi beaux. Comme si la beauté même était impuissante face aux ravages des hommes. Et c’est dans l’un de ces décors sublimes, la Villa Malaparte, perchée sur un rocher de Capri, que nous invite Sylvie Le Bihan avec Amour Propre, son dernier roman. (J’aime ici le mot de « dernier » roman et non pas de nouveau, car l’adjectif donne à son texte l’air de gravité qu’il lui sied puisqu’il ne s’agit de rien d’autre que de la réclusion d’une femme en ces lieux, à la recherche de ce qu’on finit toujours par perdre, à savoir soi-même).
Dans son dernier roman donc, Sylvie raconte Guilia, une femme en manque de mère (qui, dans ce décor, l’entoure) qui s’interroge sur celle qu’elle fut, et d’ailleurs le voulut-elle vraiment ? Et il y a dans cette réflexion – j’aurais été une femme plus heureuse, plus accomplie, sans enfants** –, une interrogation passionnante sur nous-même, sur ces choix qui nous ont échappé, sur ce qui nous manque toujours et que l’on cherche désespérément à reconstruire ou à reconquérir. L’amour d’une mère justement.
C’est sans doute parce qu’on en a été privé qu’on en devient une.

*Amour propre, de Sylvie Le Bihan. Éditions Lattès. En librairie depuis le 6 mars 2019.
**Magnifique question, page 262 : « À mon retour, on ne cessait de me demander pourquoi je n’avais pas d’enfant. Mais demande-t-on à une mère pourquoi elle en a eu ? »