Rentrée littéraire 2018. D’un pitch, comme on dit maintenant, qui tiendrait sur le papier d’un fortune cookie – Sartre se moque de Giacometti qui vient de se faire écraser le pied par une américaine au volant d’une américaine et ce dernier veut lui péter la gueule – Jérôme Attal parvient à nous offrir un roman* absolument jubilatoire. Mais attention.
Sous l’euphorie de ce garçon « courtois, gentleman, poétique et gentil » (dixit Lorraine Fouchet), Jérôme nous offre une épatante réflexion sur la création, doublée d’une magnifique déambulation autour du désir des femmes (on est encore loin de Weinstein et de la censure), triplée d’un visite cruelle de ce Paris de 1937 qui ne voit pas la guerre venir et continue, de Montmartre à Montparnasse, à sabrer le champagne, et quadruplée des extraordinaires et tendres portrait de deux authentiques pieds nickelés : Sartre et Giacometti, le premier dans son arrogance boudeuse et tellement enfantine, le second dans sa (provisoire) démesure miniature (et lecteur de la bd de Louis Forton). Quatre livres pour le prix d’un, quel bonheur !
Mais plus encore que tout cela, car le gentleman a du talent, ce qui rafle vraiment la mise dans toute cette jubilation, ce sont les dialogues. Il y avait longtemps que je n’en avais lu d’aussi bien troussés, drôles, irrévérents, bouleversants parfois.
Vite, une pièce de théâtre, cher Jérôme, et toi, Florian Zeller, prends garde à toi !
*37, étoiles filantes, de Jérôme Attal. Éditions Robert Laffont. En librairie depuis le 16 août 2018. Prix Livres en Vignes 2018. Prix de la Rentrée 2018. Première sélection du Prix Giono 2018.


Rentrée littéraire 2018. Le hasard est parfois bien malicieux. Après nous être penchés sur Le malheur du bas (chronique ci-dessous), levons les yeux vers Une vie en l’air*, l’histoire hypnotisante d’une hantise ; un récit envoutant, comme le fut pour moi
Rentrée littéraire 2018. Inès Bayard a 26 ans ; l’âge du romantisme fou, des soldes chez Sephora, des copines, des premiers boulots, des histoires d’amour qui s’allongent, font des promesses, l’âge où tout est possible, où l’on sait que le monde est un jardin et l’avenir radieux, mais la voilà qui prend la plume et décide d’écrire un roman dont les deux principaux mots du titre flairent déjà le drame, la souffrance – la suffocation précise même la quatrième de couverture.
Rentrée littéraire 2018. Bien sûr, il y a la belle Georgina qui rêve d’être célèbre et qui deviendra Miss Univers, il y a Roland, amoureux transi et infidèle, et le beau, et sombre, et violent, et cruel Ali, bras droit d’Arafat, qui finalement arrachera le cœur de la belle ; bien sûr il y a ces personnages qui traversent leur vie en courant comme on court dans une rue où sont tirés des coups de feu, éclatent des grenades, mais le véritable personnage principal, le héros du second roman de Diane Mazloum*, celui qui bouleverse, c’est le Liban. Page 276, elle écrit : Les Libanais en ce temps-là étaient fiers de leur pays. Ils en parlaient comme de la Suisse du Moyen-Orient, comme du coffre-fort du Levant, comme du Paris de l’Orient. Leurs voisins le leur ont fait payer cher. Voici donc ce pays, comme un corps, abusé, violé, malmené, blessé, torturé. Un corps qui passe de mains en mains. Voici revenu le temps des avions détournés, des prises d’otages, des attentats aveugles et du chaos. Voici, en douze chapitres, douze jours, douze ans, l’apparition d’une étoile, puis son féroce évanouissement. L’âge d’or est le livre d’un corps perdu en lui-même ; ce pays de toutes les enfances. Une nostalgie sans fin.