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John Grisham

Un été à la plage (6). Vous connaissez ce sentiment que procure parfois un livre. Vous le commencez et, dès la première page, vous savez que ça va être bien. Vous êtes content de sentir le poids des pages dans les mains, de savoir qu’il y en a près de 450. Vous lisez et, très vite, tout s’estompe autour de vous. Vous êtes dedans. Pourtant, il faut en sortir de temps en temps, pour déjeuner, pour regarder si le petit est toujours près de vous sur la plage, pour remettre de la crème, mais vous n’avez qu’une hâte : c’est d’y retourner. Alors, quand les dernières pages arrivent, vous ralentissez la lecture, vos yeux détachent les mots, syllabes après syllabes, une petite boule gigote dans vos entrailles, et c’est fini. C’était trop court. Vous auriez continué encore, 450 autres pages, et tant pis si le petit avait disparu ou que vous vous soyez pris un coup de soleil.
C’est là tout le talent de John Grisham : nous plonger dans ses histoires et nous faire oublier le monde – et franchement, en ce moment, entre le camion à Nice et le gamin à la hache en Bavière, entre la tête de bouledogue de Valls et les gesticulations defunesiennes de Sarkozy, on en a furieusement besoin.
Dans « L’Insoumis1 », Grisham nous invite à suivre un avocat (rien de bien nouveau avec lui), mais cette fois, c’est un avocat désabusé, un brin cynique, champion des causes perdues qu’il perd parfois, un homme qui ne croit plus à la Justice, à l’esprit des Lois, à l’incorruptibilité de la police, un homme réaliste en somme, qui se méfie du genre humain – et c’est justement dans cette noirceur nouvelle que Grisham est épatant ; dans cette capacité qu’il a de nous renvoyer à nous-mêmes, dans nos cordes tressées de naïveté et de nos croyances benoîtes en un certain équilibre des choses.
Il nous bouscule, nous invite à une forme d’insoumission – à chacun de trouver la sienne.
Et il a bien raison ; d’autant qu’il le fait avec un sacré talent, une écriture jubilatoire, le tout, au travers d’un roman vraiment formidable, loin du sérieux un poil bcbg de ses débuts, notamment « La Firme » et « L’Affaire Pélican ».
En résumé, le temps (et les rides) lui réussissent plutôt bien, à Grisham.

1.L’Insoumis, de John Grisham. Éditions Jean-Claude Lattès. En librairie depuis le 30 mars 2016. Et sur toutes les bonnes plages.