La bête.

La bête

À la fin de son magnifique livre*, Ursula Hegi écrit : « (…) pour repousser la bête, il faut d’abord lui donner un corps pour que tous voient, craignent et rient avant de sonder ce dont on a vraiment peur ». Voici l’histoire d’une jeune institutrice (et sa douloureuse naissance), Thelka Jansen, qui, dès 1933, assiste à la lente et perverse ingérence de la nouvelle pensée allemande jusqu’au cœur de sa classe, découvre la fascination morbide d’un de ses élèves de dix ans pour les Jeunesses Hitlériennes, et le sinistre undeutsche Bücher, qui ordonna de brûler les livres antiallemands (Schnitzler, Proust, Wolff, Bernhard, Sinclair et tant d’autres). C’est un livre terrible parce que calme, puissant, inéluctable, qui donne raison à ce qu’écrivait Heine : « Là où l’on brûle des livres on finira par brûler des gens ». Ursula Hegi écrit la naissance de la bête et nous fait prodigieusement aimer jusqu’à la faiblesse des bras de ceux qui veulent la repousser – mais qu’elle achèvera de broyer.
(Je sais, je sais, ce n’est pas folichon pour commencer l’année mais c’est très beau. Et on ne demande pas toujours à la beauté d’être folichonne).

*Brûlures d’enfance, de Ursula Hegi, aux éditions du Livre de Poche. Déjà en librairie.