Le Printemps en automne.

À l’heure où les attestations de déplacement (ah, les nostalgiques de l’Ausweis), où les murs emprisonnent nos libertés les plus essentielles – voir et embrasser un ami, enterrer quelqu’un, rire ensemble –, voici un texte magnifique* qui raconte par la voix de Nour, prostituée de 40 ans, comme une voix de théâtre**, la montée du Printemps arabe. Et avec elle l’arrivée des Barbus, les promesses de liberté qui s’écrivent toujours avec le sang des autres, de jours meilleurs qui se façonnent à coups de poings, d’égalité au nom de laquelle on emprisonne les femmes dans le mal des hommes, on éventre les homosexuels comme des chiens, on viole impunément, on crache aux visages. Mais surtout, l’écriture lumineuse, libre et crue de Rachid Benzine éclaire d’amour ce portrait de femme inoubliable, portrait de nos mères et de nos filles, portrait de toutes les soumissions et par là, de tous les envols. Dans les yeux du ciel (pas fan du titre) est un chant d’espérance de toute beauté parce que lucide. Parce que désenchanté. Parce que vrai.

* Dans les yeux du ciel, de Rachid Benzine. Éditions du Seuil. Disponible depuis le 20 août 2020.
** Renseignements pris, Dans les yeux du ciel a d’abord été écrit pour le théâtre (comme quoi, j’ai l’œil), pièce créée en Belgique, puis jouée en Avignon en 2017.