Archive | janvier, 2021

Bonjour tout le monde.

De quoi 2021 est-il fait ? Eh bien voilà. Ce qui devait arriver arrive : les livres sur le confinement écrits pendant le confinement. C’est Ariane Ascaride qui s’y colle cette fois*, sous la forme de lettres adressées à feu son père, rédigées pendant le premier confinement (mars-avril 2020). Une sorte de journal intime épistolaire où l’on n’apprend rien de plus que ce qu’on a tous vécu, tous ressenti (solitude, absence de l’autre, énervement contre Sa Majesté Macron et Consorts, espérance de lendemains qui chantent, etc, etc). Jusque là, bof. Mais ce qui est intéressant, comme toujours, ce sont les lignes entre les lignes. Les liens compliqués d’une fille avec son père, la douleur de du vide, qu’on a certes tous plus ou moins connu, mais racontés ici par une fille d’immigré italien qui a gardé ses illusions d’un monde d’avant, tendance égalitaire, entre le kolkhoze et Auroville. C’est ce qui est assez touchant finalement et vaut la lecture agréable de ce Bonjour Pa’. Cette désillusion-là.

*Bonjour Pa’, de Ariane Ascaride. Éditions du Seuil. En librairie le 21 janvier 2021.

Chic et choc.

De quoi 2021 est-il fait ? Il y a dix ans, Olivier Mony nous régalait avec Du beau monde*, une galerie chic de personnages chics, crayonnés d’une plume élégamment circonvolutionnée, dégageant à l’arrivée du point final, la douce nostalgie d’un art de vivre perdu. Le revoici avec ce petit livre** (143 pages) au long titre, Ceux qui n’avaient pas trouvé place, qui fait étrangement écho au précédent tant il semble que le personnage dont nous il nous brosse le mélancolique portrait, ce Serge Elbouki, devenu Diala, devenu 17 autres patronymes et autant de personnages, n’aurait probablement pas trouvé sa place dans Du beau monde.
Et pour cause. Serge est un voyou. Mais magnifique, comme on en croisait dans le cinéma et la littérature des audacieuses années 60/70, escogriffe, menteur, charmeur, capable de disparaître au milieu d’une phrase puis de réapparaître dix ans plus tard sous une autre vie. On pensera bien sûr à l’inoubliable Alain (sublime Maurice Ronet) du feu Follet de Drieu, et ce n’est pas un petit compliment.
Mais ce n’est pas tant le portrait du bonhomme qui fascine que la façon dont Olivier Mony le croque avec son écriture désenchantée, son passé simple, son plus-que-parfait, ses longues phrases envoûtantes, tout comme son mignon péché du name dropping. Il semble nous rappeler à quel point l’invention de nos vies lui manque. Nous prévenir du danger des bonheurs conformes. Et nous crier : Vivons, on n’a pas le temps !

*Du beau monde, de Olivier Mony, éditions Le Festin, coll. Les cahiers de l’éveilleur, 2011.
**Ceux qui n’avaient pas trouvé place, éditions Grasset. En librairie le 13 janvier 2021.

Amis à mort.

De quoi 2021 est-il fait ? Voici un texte précieux. Délicat. Plein de grâce. Une errance dans l’enfance comme celles, parfois, de Erri de Luca. Dans son dernier livre*, Andreï Makine nous raconte une amitié de jeunesse, deux orphelins dans une institution de Sibérie, l’un protège l’autre, affaibli par une mystérieuse maladie, de la méchanceté des autres gamins. Il n’en faut pas plus pour que ce déroule ce voyage dans un quartier sans beauté où s’est installée une communauté d’Arméniens afin de rester proches de leurs amis emprisonnés loin de leurs terres. Voici le petit « Royaume d’Arménie » où l’on vit de souvenirs, de parfums et d’espoirs et où l’amitié de ces deux gamins, Vardan et le narrateur, va changer à jamais la façon d’être un homme. Quel dommage que l’immense Robert Mulligan ait eu la mauvaise idée de nous quitter il y a deux ans déjà, il aurait fait de cet Ami arménien, un film d’une sublime poésie.

*L’Ami arménien, de Andreï Makine. Éditions Grasset. En librairie le 6 janvier 2021.