Archive | avril, 2025

Dimanche 18 mai 2025.

Bon, tous les salons n’ont pas un budget pour engager un graphiste et faire une affiche spectaculaire, mais certaines, comme celle-ci, le sont par ce qu’on pressent de gentillesse derrière, ce « made avec les moyens du bord », et c’est souvent cette sincérité qui fait les beaux salons. À dimanche !

10-18 heures, salle Gérard Carlier, rue de l’Ermite, 59730 Solesmes.

N’écoutez pas toujours les quatrièmes de couverture.

Ce roman* peut se lire comme une comédie noire, précise la quatrième de couverture, ou un drame burlesque. Ou les deux à la fois. Je n’y ai lu ni l’un ni l’autre. J’y ai retrouvé avec plaisir la plume si personnelle de Dubois, celle de Vous plaisantez, monsieur Tanner et de La Succession, toujours ces histoires de famille, ces engluements, cette puissante désespérance persillée d’humour, d’esprit plutôt — ce genre de situation qui fit dire, dans d’autres circonstances, à l’auteur Jean-Louis Fournier : « Il est drôle dehors et triste dedans ». Ainsi est aussi Dubois.
Et il est là, pour moi, le lieu de ce nouveau roman qui met en scène un fils qui vient de tuer de deux balles dans le crâne son père déjà mort et que la justice condamne à un an de soins auprès d’un psy hypocondriaque. Ce sont ces séances que nous suivons, mois après mois ; ces retrouvailles avec l’origine des larmes, du mal de vivre, de la mélancolie sourde, rampante, anesthésiante et finalement assassine. 
Alors comédie noire ou drame burlesque, non. Mais un sacré roman sur la chute d’un fils, oui. Sur le triomphe sordide des pères, oui. Sur la fin du pardon, oui. Et ça, ce n’est pas rien.

*L’origine des larmes, de Jean-Paul Dubois, aux éditions de l’Olivier. En librairie depuis le 15 mars 2024.

Samedi 17 mai 2025.

Quel joli nom, Les yeux qui pétillent, pour une librairie, mais quel dommage que l’auteur invité ce samedi ait, lui, des yeux de merlans frits. On arguera la fatigue, le « jetlag », il n’empêche, il a vraiment les yeux éteints sur cette photo. Limite comateux. Ceci dit, on dit qu’en rencontre, c’est tout son corps qui pétille. À vérifier sur place, donc.
16h, 17 h et 18 heures. Les yeux qui pétillent, 11 avenue Georges Clémenceau, 59300 Valenciennes.

Pierre Vavasseur, orfèvre à Paris.

Un très beau recueil de poésie*, c’est comme un coffret à bijoux. C’est petit dehors, immense dedans. C’est. précieux et précis à la fois.
On y trouve des choses des plus simples — mais qui ont aussi, comme les plus travaillées, le don d’embellir le monde et ceux qui les portent — aux plus rares, qui, soudain, changent la géographie d’un poignet, la danse de quelques doigts, l’élégance d’un cou. 
On y découvre également des pierres précieuses, uniques, des brillants, disait l’employée de maison de mon arrière-grand-mère, dont l’éclat irradie les ombres des hommes et en révèle toutes les fragilités, l’immense essentialité, car le poète orfèvre qu’est l’ami Pierre le sait : il n’est de pierre, de ronce ou de larme sous lesquels ne se niche pas une lumière.
Ainsi celles-ci, glanés au hasard des pages de ce brillant recueil, et qui font de l’autre et du monde un bel endroit :

Rien ne pénètre mieux mes lèvres
Que les mots que tu me dis
*
Je ne suis plus un homme mais un homme
Rassemblé dans son chant
*
L’après-midi passe sous un grand linge blanc
*
Tu étais mains ouvertes
Endormie
Tu me regardais de tes mains
La nuit voyait si clair

*Paisible tourment, de Pierre Vavasseur, aux éditions Marie Romaine. En librairie le 23 avril 2025.

On aura tout vu.

Je viens de recevoir la bande-annonce du documentaire que me consacre Jean-René Chapron et j’avais juste envie de la partager avec vous. Alors voilà.

Surtout, ne jamais s’endormir.

Les enfants endormis du titre trompeur de ce remarquable premier livre* sont ces ados qui somnolent dans un petit village de l’arrière-pays niçois, à la fin des années 80. Et ce n’est pas la chaleur qui les accable. Ni un travail harassant. Mais cette putain d’héroïne qui serpente dans leurs veines, s’insinue dans leur cervelet et le grignote. 
Parmi eux est Désiré, l’oncle de l’auteur qui tente avec ce texte « de le rendre à la lumière » (page 246).
Alors que dans son village, loin des bruits du monde, l’oncle sombre dans les épouvantes de la drogue une curieuse épidémie frappe principalement la communauté des homosexuels. En France et aux États-Unis, quelques chercheurs essaient de comprendre. Se tirent la bourre pour être les premiers à découvrir ce virus, élaborer un test — il y a un pognon de malade en jeu.
Aussi, quand on apprend que Désiré a le sida, c’est la sidération dans la famille. La honte dans le village. « Il n’est pas gay ; et non, mon fils n’est pas un drogué », précise sa mère.
Avec une pudeur et une efficacité époustouflantes, Anthony Passeron remonte l’histoire de sa famille et celle du sida, ici passionnante comme un thriller, pour ajouter une pierre essentielle à cette littérature qui est la dernière digue contre l’oubli. Chapeau.

*Les enfants endormis, de Anthony Passeron. Aux éditions Globe (2022), puis au Livre de Poche (2024). Prix Wepler.