Author Archive | Grégoire Delacourt

Quel hasard, Balthazar.

Drôle  de coïncidence, ces deux livres lus l’un après l’autre. Chez Laurence Biava comme chez Ève-Lyne Monnié, il s’agit de deux romans épistolaires qui ont pour sujet, chez la première, les mots des romanciers, chez la seconde, les mots d’une amoureuse. Toutes les deux ont la passion, la fascination de l’écriture. Les mots de leurs livres, une fois déliés, dessinent les serpents de la tentation. Chez Laurence, ça finit mal, parce que Laurence est une romanesque incorrigible. Chez Ève-Lyne, plutôt bien, parce qu’elle est une romantique indécrottable. Deux livres qu’on lit comme les lettres d’une amie qui donne de ses nouvelles, mais dont on n’a malheureusement pas l’adresse pour lui écrire qu’on l’aime.

8 jul 14

Amours Mortes, de Laurence Biava. Editions Ovadia.
L’Âme dans le vestiaire, de Ève-Lyne Monnié. Editions Les 2 Encres.
Tous deux déjà en librairie.

Ce sont les hommes qui jouent faux.

Au fond, Le Violoniste aurait pu s’appeler Le Violon. Ce deuxième roman de Mechtild Borrmann (lauréate du prestigieux Deutscher Krimipreis* en 2012, pour Rompre le silence) raconte, au travers de la disparition d’un Stradivarius, la disparition du lieu d’amour d’un couple. Puis d’une famille. Dans Les Petits chevaux de Tarquinia, Marguerite Duras écrivait qu’il n’y avait pas d’amour sans lieu d’amour. Lieu et lien, ce violon est la quête du livre ; et, à travers elle, la lutte contre la barbarie de hommes, contre la violence de la Loubianka (nous sommes, en partie, en 1948), la lutte pour notre besoin immense d’amour. Car sous l’écriture virtuose d’un grand roman noir, se cache un grand roman sur l’abandon et la perte.

4 jul 14

Editions du Masque. En librairie le 20 août 2014. Patience. Grand Prix des Lectrices de ELLE 2015, catégorie Policier.
*Prix du Meilleur roman policier.

Des nouvelles de Jocelyne et Jeanine.

La première est en Lituanie où mercerie se dit galanterija. La seconde, en Tchéquie, où elle balade son vague à l’âme.

1 jul 14

Et toujours un immense merci à Eva Bredin, voyagiste de livres.

Le corps de Fabienne.

25 jun 14

Voici un texte étonnant. Une femme (âgée sans doute) se démaquille devant son miroir. Les doigts ourlés de coton effacent les couches de mascara, de fond de teint, les couches du temps, révèlent un visage différent. Dévoilent d’autres époques où le corps s’envole, s’enroule autour d’un arbre, se « schluffen » dans les bras d’un homme ou dans la douceur turquoise d’une piscine. Le corps n’a pas, n’a plus d’âge, ce n’est pas important. Il est vieux parfois. Parfois il a quatre ans. Il file à l’arrière d’une mob. Il est immobile derrière une vitre, les yeux regardent la neige. Il croise un coréen qui fait une dissertation. On ne sait pas. Ce n’est pas important. Ah si. Il ne s’aime pas. C’est un texte impressionniste. Cubiste. Des chapitres posés là, au hasard des souvenirs, des angulosités d’une maladie qui n’est pas nommée, d’une enfance perdue dans une autre langue. La belle écriture de Fabienne est l’eau de toute cette mélancolie.

Editions Gallimard. Sortie le jeudi 28 août 2014.

Vertiges du mal.

Je sais bien que les 739.569 blogs (environ) qui parlent des livres aiment être les premiers à parler d’un livre. Mon blog, ne souhaitant pas déroger à cette règle, souhaite donc être le premier à parler d’un livre paru en… 1924 (il y a donc 90 ans –pour ceux qui préférèrent un bac philo à un bac scientifique). Lupin, donc. Père : Maurice Leblanc (1864-1941), journaliste, romancier (50 romans quand même – ça calme), conteur. Lupin ; gentleman-cambrioleur, chanté par Dutronc (mari de l’immensément belle Françoise Hardy), interprété à la télé par Descrières, Brialy et Dunoyer. Une vieille série quoi ; qui n’a rien de rien à opposer à 24, Lost, Breaking Bad ou FlashForward. Et pourtant. Oublions les images. Oublions Lupin. Revenons aux mots. La Comtesse de Cagliostro est un roman formidable, qui fait le portrait d’un gamin (Raoul d’Andresy) fiancé à une charmante jeune fille de bonne famille, et qui va soudain rencontrer le diable (la Comtesse). Elle va « l’envenimer ». Il va alors avoir à choisir entre la diaphane fiancée et la comtesse incandescente. Entre la raison et la passion. Le bien et le mal. Et c’est le mal (ouf) que d’Andresy choisira (et grâce auquel il deviendra Lupin), parce qu’au fond, il n’est jamais de grandes histoires sans d’authentiques douleurs.

22 jun 14

Ci-dessus l’exemplaire que je garde précieusement depuis trente-cinq ans. Le Livre de Poche a la bonne fortune de le ré-éditer régulièrement.

Et merde. Encore une librairie qui ferme.

18 jun 14

Boulevard Saint-Germain à Paris. Bientôt, à la place des livres, des rêves, des voyages, des coups de coeur, des grandes claques : des montres.

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures histoires.

Voilà quatre fois que Jussi Adler Olsen (via Carl MØrck, son héros) nous fait le coup. Le département V est spécialisé dans les cold cases – ces vieilles histoires dont les morts restent lettres mortes. Et comme l’auteur aime autant les mots que les morts, il écrit divinement des enquêtes qui réveillent souvent le passé furieux du Danemark, les fantômes de quelques nostalgiques d’un temps qui fait encore froid dans le dos, et rivalise magnifiquement avec les Block, les Connelly et autres Carrisi. Après Miséricorde (Grand Prix des Lectrices de ELLE), Profanation et Délivrance (non, non, pas celui avec la scène « fais-le cochon » sur un  petit air flippant de banjo), voici Dossier 64. Six cents pages dans lesquelles plonger (à la plage) pour qui aime les grands divertissements policiers.

17 jun 14

Editions Albin Michel. Déjà en librairie.

Invitée #7. Audrey Petit-Rousseau.

À côté d’Audrey, Samantha Stephens (Ma Sorcière bien aimée) c’est de la petite bière. Bouger le bout de son nez, ouvrir la porte d’un placard sans la toucher, faire un gâteau les mains dans les poches et épouser un publicitaire, c’est assez tartignole. Une vraie sorcière est capable, elle, de choses bien plus extraordinaires. De dénicher par exemple, parmi les 1500 livres qu’elle reçoit chaque année, les 235 qu’elle publiera. D’aimer chacun d’eux, comme elle a aimé Yellow Birds de Kewin Powers (le premier roman qu’elle publia au Livre de Poche). D’être toujours disponible pour ses auteurs. D’avoir pour eux le temps qu’elle n’a pas pour elle. De leur offrir les mots qui les font grandir. Et de pouvoir de partager avec l’un d’eux, s’il le faut, un bol de lait chaud avec la « peau », bien qu’elle abhorre la « peau » du lait chaud. Je suis fier qu’Audrey soit mon éditrice au Livre de Poche. Fier d’avoir, grâce à elle, rejoint la maison de Prévert, Fournier, Hislop, Olmi, Giono, Guenassia et mille autres. Je lui ai demandé quel était l’un de ses récents coups de cœur. Le voici.

12 jun 14

« J’ai découvert ce formidable récit de voyage* sur les conseils d’un autre écrivain-voyageur. Trois cents pages intenses à travers le Congo actuel mais aussi sur les pas du missionnaire David Livingstone, au plus près de sa folie, de sa détermination. Deux histoires parallèles qui s’entremêlent, se font écho, servent d’écrin à une incroyable histoire d’amour. Pourquoi part-on ? Pour revenir ? Pour aller à la rencontre de l’autre, ailleurs ? Ou pour goûter un peu de ce formidable vertige qui compose la vraie liberté ? Dans un style à la fois riche et simple, Guillaume Jan nous embarque dans sa quête. On en ressort plus fort, émerveillé d’avoir essayé d’attraper, le temps d’un livre, un peu de l’ivresse du voyage, de cette troublante nostalgie qui nous fait regretter une époque que l’on n’a pas connue, un peu de cette passion, enfin, qui anime l’écrivain-voyageur. »

*Traîne-Savane (Vingt jours avec David Livingstone) de Guillaume Jan. Editions Intervalles, paru le 24 avril 2014.