C’est la mer qui prend l’homme.

Un homme a peur d’apprendre qu’il a un cancer et s’enfuit. Abandonne sa femme et ses rêves de trois enfants. Monte sur son bateau pour faire le tour du monde qu’ils s’étaient promis. Mais seul. On voit le genre du gars. Là, en mer, c’est la tempête. Pas le gros grain ni les vagues scélérates, mais la tempête dans sa tête. Le voici qui délire, hallucine, voit débarquer sur son douze mètres, dans le désordre : une sirène qui a le demi corps de sa femme plus jeune (l’autre moitié, asexuée, est faite d’écailles), puis sa femme en vieille femme, puis un chat mort-vivant, puis une dorade suceuse de pénis (le sien), avant d’arriver à mauvais port. 
On pourrait parler de livre* foutraque, écrit à la marijuana colombienne, mais qui se révèle à l’arrivée une fiction (heureusement) quantique et lointainement philosophique sur l’importance d’aimer ceux qu’on aime parce que la traversée est courte et qu’une mauvaise vague est vite arrivée. Alors un conseil, embarquez, accrochez-vous, et surtout, lâchez prise, laissez-vous transporter. Débarquement dans la joie, 182 pages plus tard.

*Les couleurs invisibles, de Jean-Gabriel Causse. Éditions Flammarion. En librairie depuis le 11 mai 2022.