Voilà ce qu’écrit Magda Hollander-Lafon à la page 26 de son magnifique Quatre petits bouts de pain*, un livre comme un livret, comme un chant d’amour à la joie, un hymne à la vie. Et quelle vie.
Magda a seize ans quand elle est embrigadée en 1944 à Auschwitz-Birkenau au prétexte de sa judéité hongroise — ils seront d’ailleurs 437.000 de sa communauté à y être déportés en 46 jours, et plus de 350.000 d’entre eux y seront assassinés dès leur arrivée.
L’année suivante, avec quatre camarades Hongroises, lors d’un transfert dans un autre camp, elle parvient à s’échapper, se cacher dans un bois. Et six jours plus tard, quand passe un tank américain, c’est la fin et le début à la fois. C’est la renaissance, longue, lente, douloureuse et lumineuse. Le réenfantement, comme elle la nomme.
Il a fallu plus de trente ans de silence à Magda pour oser enfin le déchirer avec sa plume ; oser faire ce pour quoi elle est restée en vie : témoigner.
Et elle le fait magnifiquement, au travers de textes très courts, d’un réalisme et d’une poésie sublimes. Elle le fait sans colère, et c’est ce qui m’a le plus bouleversé. Elle le fait avec amour et j’ai envie d’y mettre un grand A. Elle le fait comme une femme donne la vie. À elle-même puis au monde entier. Avec Amour.
Magda est décédée l’an dernier à l’âge de 95 ans mais sa voix merveilleuse chantera et dansera toujours désormais.
*Quatre petits bouts de pain, suivi de Des ténèbres à la joie, de Magda Hollander-Lafon, aux éditions Albin Michel (2012) puis au Livre de Poche (2014).
Merci à Frank Andriat qui m’a fait découvrir ce texte et à Véronique Perovic, du Livre de Poche, qui me l’a envoyé ici.