#jesuisungarçon

Fille* a le charme des premiers romans et c’est sans doute ce qui en fait toute sa force. Voici Camille Laurens nous délivrant, aux trois premières personnes du singulier, sa singulière enfance de fille, cadette succédant à une aînée – deux filles donc, dans une famille où le père répondait par « Non j’ai deux filles » lorsqu’on lui demandait s’il avait des enfants.  C’est dire. La fille se fait tripoter par l’oncle. Tout le monde le sait mais tout le monde ferme sa gueule. Puis la fille grandit. Devient traductrice comme si elle cherchait les mots pour traduire le monde. Tenter de le comprendre. L’aimer mieux. Mariage sans passion. Un premier enfant à 35 ans. Tristan. Petit garçon qui ne vivra pas. Et à propos duquel figurent pour moi les plus belles pages du livre. Un chagrin sans colère. Une tristesse sans aucun des mots de la tristesse. Un tour de force littéraire sans aucun doute. Puis, elle en refait un autre alors qu’elle voulait celui-là. Une fille cette fois. Une fille qui suit un garçon et qui dira « Je suis un garçon ». Cette fille-là grandit. Aimera les filles puisqu’elles sont le sujet de l’amour de ce livre délicat.
Avec ce nouveau roman et à l’heure des publications féministes parfois outrancières, Laurens remet les pendules à l’heure de la féminité. De la place des filles. Et donc de la beauté du monde.

*Fille, de Camille Laurens. Éditions Gallimard. En librairie depuis le 20 août 2020.