Jetez-moi aux chiens, aux hommes et aux tabloïds.

Un été rue des Saints-Pères (2/9). En 2010, à Bristol en Angleterre, Christopher Jefferies était accusé d’avoir étranglé sa voisine Joanna Yeates quelques jours avant Noël. Le voici aussitôt devenu le monstre à lyncher, le fauve des tabloïds. D’anciens lycéens témoignèrent contre lui. On lui reprocha ses goûts élitistes, « En plus, il lit des livres ». Les torchons anglais se mélangent facilement avec les serviettes de l’injure et du mépris. Voilà Jefferies condamné, assassiné par la presse et innocenté par la vérité. C’est sans doute ce fait divers qui a inspiré Patrick McGuinness pour son second roman, Jetez-moi aux chiens*, une sorte de vrai-faux polar emmené par deux policiers, Gary et Anders, où un vieux professeur est accusé d’avoir occis sa jeune voisine. Et là, comme dans la vraie vie anglaise, c’est le déchaînement des médias qui est l’enjeu du livre, le lieu des réflexions (parfois mélancoliques, parfois drôles – so bristish, en fait) de McGuinness sur ce monde qui se repaît de rumeurs, de chairs, fraîches ou faisandées, mais de chairs. Ces tabloïds d’outre-Manche sont nos chers réseaux sociaux d’aujourd’hui. Le constat de leur toxicité n’est pas nouveau mais une fois encore glace le sang.

*Jetez-moi aux chiens, de Patrick McGuinness. Traduit par Karine Lalechère. Chez Grasset, éditeur sis rue des Saints-Pères, à Paris. En librairie depuis le 15 janvier 2020.