La douleur n’est pas passée*.

Mankell

Le retour du Kindle. Parce que Henning Mankell est mort il y a 11 jours. Parce que je voulais aussitôt lire son ultime livre* et qu’il ne m’a pas été donné de pouvoir me rendre dans une librairie. Sable mouvant, Fragments de ma vie est donc le dernier livre d’un grand bonhomme. Un de ceux qui ont vu la vie, et l’ont accueillie en eux. Je ne sais pas comment on fait pour avoir une vie aussi remplie, aussi riche, aussi humaine – il en faudrait plusieurs. Et pourtant. Mort le 5 octobre, à 66 ans d’un cancer du poumon, « moi qui ai arrêté de fumer il y a vingt-cinq ans », mort jeune finalement, Mankell a eu le temps. Il a rempli sa vie. Il a rempli celle des autres, de Stockholm au Mozambique – où il avait un théâtre, où il avait fait jouer Lysistrata d’Aristophane, avec, entre autres acteurs, une chèvre. Son regard est beau sur les choses. Dans ce livre, à l’aube de sa mort, il n’y a aucun désenchantement, juste la crainte que l’enfouissement des déchets nucléaires en Suède, ne s’avère un drame pour la suite. Dans quelle langue prévient-on les générations futures ?
Mankell part. C’est grave mais ce n’est pas triste. Il nous offre des fragments de sa vie. Partage ce qu’il a vu. Un tableau de Géricault, entre autres, un jeune policier, deux petits frères qui survivent dans la rue. Il ouvre nos yeux. Jusqu’à ce qu’on ait mal. Voici le magnifique chant d’adieu d’un homme libre.

* Extrait du chapitre 1, intitulé « L’accident ».
** Sable mouvant, Fragments de ma vie, de Henning Mankell. Éditions du Seuil (en papier, donc). En librairie.