Le cœur, meilleure partie de l’agneau (lamb).

Nadzam

Humbert Humbert, dans le roman de Nabokov, revendiquait clairement son attirance pour les nymphettes, et surtout son goût pour les relations sexuelles avec elles. Il deviendra fou de désir pour Charlotte Haze. Elle lui donnera ce qu’il veut (et ce qu’elle veut), elle le quittera pour un autre, et nous connaissons tous la suite. Les fins tragiques. Crise cardiaque pour lui. Mort en couches pour elle.
Avec Lamb*, un virtuose premier roman, Bonnie Nadzam (née à Cleveland, vit aujourd’hui dans les Montagnes Rocheuses – veinarde) met en scène un homme, la cinquantaine, divorcé, le cœur en cendres, et une gamine, Tommie, onze ans, qui, après l’école, traine dehors avec des copines, en « attendant », – ce thème de l’attente avait déjà été formidablement traité par Bogdanovich dans son film The Last picture show** (1971), l’ennui comme seule occupation dans une petite ville américaine. Bref.
David Lamb est abordé par Tommie qui lui demande une cigarette, et voilà le début d’un road movie envoûtant à bord d’une Ford Explorer (Explorer, malin) où le chagrin de l’un et l’ennui de l’autre vont s’entremêler, tricoter une histoire d’une intimité déconcertante, d’une tendresse affolante, sans qu’il ne soit jamais question de sexualité (contrairement au regretté et affamé Humbert Humbert), mais bien question d’amour.
La grâce de ce roman est justement de parler d’amour entre un homme et une petite fille, un amour avec, bien sûr, sa dimension physique, ses nuages de désirs, mais aussi sa patiente pudeur. C’est sur ce fil ténu qu’est écrit le livre, sur cette crête si fine qu’un pas de côté ferait tout basculer, mais Bonnie Nadzam a le don de l’élégance et de la lucidité.
À noter qu’à la lecture de ce livre, Ross Partridge (réalisateur, acteur, producteur) tomba dingue de cette histoire et décida de l’adapter au cinéma***. Son magnifique film fait mentir ceux qui prétendent qu’un film est toujours moins bien qu’un roman. Et ça, c’est une bonne nouvelle.

Nadzam lamb-poster

*Lamb, de Bonnie Nadzam. Éditions Fayard (2013) et Points (2015).
** The Last picture show (ah, Cybill Sheperd), de Peter Bogdanovich, en DVD.
***Lamb, de (et avec) Ross Partridge, avec l’extraordinaire petite Ooma Laurence (2015). Disponible sur iTunes.