Tout est bon dans le Sempé.

sempe

Jean-Jacques Sempé est l’un des plus brillants écrivains* que je connaisse. Et l’un des plus créatifs aussi : au lieu de les écrire, il dessine certains mots qui disent « petit homme », « grande ville », « grand désespoir », « joie minuscule », etc. Au lieu de former des lettres, sa plume révèle des visages, des situations tragiques, comiques, parfois tendres. Il est le grand observateur de nos égos mal placés, nos travers, nos rêves brisés. Le pourfendeur de nos illusions ridicules. Un moraliste flamboyant dont les mots, qui légendent ses dessins, sont eux aussi des pépites absolues. Ainsi ceux-ci, sous un dessin où l’on voit une femme qui vient de quitter sa vaisselle, menacer d’un revolver son mari tranquillement assis dans un fauteuil : J’aurais aimé que tu sois quand je t’ai rencontré, un artiste pauvre et malade. Je t’aurais soigné. Je t’aurais aidé de toutes mes forces. Nous aurions eu des périodes de découragement, mais aussi des moments de joie intense. Je t’aurais évité, dans la mesure de mes possibilités, tous les mille et un tracas de la vie afin que tu te consacres à ton art. Et puis, petit à petit, ton talent se serait affirmé. Tu serais devenu un grand artiste admiré et adulé, et, un jour tu m’aurais quitté pour une femme plus belle et plus jeune. C’est ça que je ne te pardonne pas.
À Noël, Sempé, c’est parfois plus sûr qu’un Goncourt.

*Denoël a publié la plupart de ses albums et Folio a repris beaucoup de ses dessins.
Cadeau de Noël : Un petit homme sur un monticule de terre regarde le ciel. Légende : J’ai pardonné à ceux qui m’ont offensé. Mais j’ai la liste. Bonne année à tous.