Traité intime de la chute, du karaté et de la mélancolie.

Robert, le père adoptif, choisi, aimé, judoka, initia l’enfant au judo jusqu’à ce que sa mère Andrée le lui interdise. C’est alors vers le karaté, la voie de la main vide, que se tourna Luc Lang, art qu’il pratiqua chaque jour pendant près de 40 ans, jusqu’au y obtenir le 5ème Dan. 
Si le judo est, semble-t-il, l’art de tomber, de rouler, se récupérer et empêcher l’autre, autrement dit, de maîtriser la chute inéluctable, le karaté semble être celui de rester debout, en équilibre, ancré sur le tatami, enraciné. 
Et c’est cette incroyable bataille avec lui-même, son corps, ses fantômes, que nous raconte Luc Lang dans cet envoûtant Récit du combat*. Récit de la maîtrise du corps, de la main, des gestes, jusqu’à celle de l’écriture elle-même, car le voici qu’il lie les deux, les interpénètre, car il n’y a pas d’écriture sans le corps, sans ce combat qui façonne les katas comme les mots ; le corps du texte. Le corps humain. Le corps du monde. 
C’est ici un livre à nul autre pareil, à la fois traité de karaté, portrait du fils en père, hommage bouleversant à la mère et chant à l’amoureuse qui précipita son corps du cinquième étage de leur appartement, le corps aimé et chu, cette chute dont personne ne se relève ou alors dans un corps différent. 
Le récit du combat est, je crois, la relève de ce corps-là, celui de Lang — du nom du père choisi, Lang comme cette langue inouïe qu’il crée et déroule à la perfection tel un Gojushiho sho parfait.

*Le récit du combat, de Luc Lang, aux éditions Stock, coll La Bleue. En librairie depuis le 23 août 2023.