Un soupçon.

La poésie, ça ne s’explique pas, ça se soupçonne, avait un jour dans un salon du livre répondu un poète québécois à une lectrice agacée que la poésie, selon elle, soit si souvent complexe, incompréhensible et hermétique. C’est ce soupçon que j’aime en poésie. Cette incertitude joyeuse. Cette possibilité du tout et de son contraire. C’est ainsi que j’aime me balader dans ces mots-là, comme des galets posés sur un sable blanc, des ombres qui recèlent des sens, révèlent des clartés dont nul ne sait ce qu’elles éclairent, si ce n’est ce fameux soupçon. Voici Somnambule du jour, de l’immense Anise Koltz, Prix Goncourt 2018 de la poésie, une somme de poème choisis, des miettes de cristal et de lusquin. Tenez, en voici quelques-unes. Des pierres lancées contre moi j’ai construit ma maison. Ou encore : Le soir la mort approche de nous/Mais sur la table un pain nous invite à exister. Enfin : Est-ce moi qui écrit le poème ? /Est-ce le poème qui m’écrit ? Insoupçonnablement beau.

*Somnambule du Jour, poèmes choisis, d’Anise Koltz. Collection Poésie/Gallimard. En librairie depuis janvier 2016.