Une (excellente) éducation.

Voici le genre de livre* dont on m’avait chanté les louanges à sa sortie il y a deux ans, qu’on m’a offert (plusieurs fois) en me disant Lis ça, c’est formidable, et à nouveau en Poche, il y a un an, avec toujours le même enthousiasme. J’ai donc attendu, et sans doute êtes-vous comme moi : lorsqu’on vous dit qu’un truc est génial, vous en exigez quelque chose de génial et souvent, vous êtes déçu. L’attente est le meilleur remède. Voici donc que j’ai hier soir achevé de lire les 466 pages de ce récit de Tara Westover, Une éducation, et que je suis encore tout chose ce matin. J’ai l’impression d’avoir vécu à côté de cette gamine, l’une des sept enfants d’un couple de mormons, qui prône l’école à la maison (parce que l’école ment), le travail (parce qu’il ne faut dépendre de personne), le mariage arrangé (parce qu’on est mieux entre soi) et autres petites choses qui peuvent agacer en ces temps d’intolérance. Voilà Tara qui travaille à sept ans à la décharge de ferraille de son père et se pose déjà des questions sur la vie, décide plus tard, bravant l’interdit familial d’aller à l’école, et comme la vie est parfois aussi belle que dans les livres, obtient une bourse pour Cambridge (où elle décrochera un doctorat en histoire), puis Harvard, et finira par écrire ce bouquin, encouragée par son maître de thèse, en s’appuyant sur les quinze ans de notes de son Journal. Mais plus qu’une éducation, c’est ici une magnifique rébellion, un conflit de loyauté avec sa famille qui traverse le récit, l’illumine et le rendra sans doute inoubliable. « J’avais sacrifié ma famille à mon éducation, écrit-elle page 438, et je risquais de perdre ça aussi ». Il faut accepter de tout perdre pour gagner la joie essentielle d’être soi. Lisez-le, c’est absolument formidable.

*Une éducation, de Tara Westover. Éditions JC Lattès (2019) et Le Livre de Poche (2020).