Archive | novembre, 2018

Tous les ans et toujours différent.

Marc LevyCe qu’il y a d’épatant avec un livre de Marc, c’est qu’on ne sait jamais à l’avance où il va nous emmener – chacun d’eux est comme un billet d’avion dont on ne connaîtrait pas la destination. Une fois 1, c’est sur le Mont Blanc, dans une intrigue à la Michael Crichton, un polar géopolitique brillant. Une autre fois 2, c’est une plongée dans l’Amérique gauchiste qui n’aime pas qu’on évoque ses démons. Une autre encore 3, c’est dans une amusante satire (d’après moi) de lui-même et dans laquelle j’ai trouvé les plus belles pages sur le pouvoir de l’écriture. Aujourd’hui, c’est de nouveau à New York où il vit qu’il nous transporte, dans une comédie typiquement newyorkaise qui redonne tout son sens au mot charmant : qui a du charme, qui plaît extrêmement, qui exerce un attrait puissant sur les sens, l’affectivité ou l’esprit.
Avec Une fille comme elle 4, Marc nous fait replonger dans les merveilleuses comédies que l’on dévorait (et dévore toujours) à Noël, celles de Lubitsch, de Leo McCarey, de Mankiewicz, de Capra, Gary Marshall, Nora Ephron et tant d’autres. Une histoire très bien troussée, bien moins légère qu’il n’y paraît (ce qui d’ailleurs est la meilleure recette des comédies justement) et qui fait se croiser un indien pressé et une fille dans un fauteuil. Mais chut.
Ouvrez le livre, montez à bord de l’ascenseur de Deepak, il vous emmènera bien plus loin que ses huit étages.

1. Un sentiment plus fort que la peur. Éditions Robert Laffont/Versilio (2013) puis Pocket (2014).
2. Une autre idée du bonheur. Éditions Robert Laffont/Versilio (2014) puis Pocket (2015).
3. Elle et Lui. Éditions Robert Laffont/Versilio (2015) puis Pocket (2016).
4. Une fille comme elle. Éditions Robert Laffont/Versilio. En librairie depuis le 22 mai 2018.

Tout est bien qui finit bien.

Dieudonné 2

Voici un auteur* au prénom d’un titre d’une chanson de Christophe, période « Ne raccroche pas » (pas la meilleure, pour preuve : Allo Stéphanie, ne raccroche pas/C’est samedi, je passais par là/Près du Palais, je t’offre un verre), au nom d’un comique troupier à l’humour suspect et qui raconte une histoire dans laquelle on trouve un père chasseur, alcoolique et violent, il y a des alcooliques mous mais lui bat sa femme qui elle-même ressemble à « une forme de vie primitive, unicellulaire, vaguement translucide » (page 12), un petit frère qui tue les chats du quartier depuis que le marchand de glace s’est explosé la gueule avec une bombonne de chantilly, puis se met à dépecer les chiens quand il n’y a plus de chats (la meilleure école pour finir en serial killer sur Netflix), et une narratrice qui n’a pas de nom, grande sœur du petit frère, fille de l’ivrogne et de l’amibe, qui rêve de remonter le temps depuis qu’elle a vu Retour vers le futur, de retourner au moment d’avant l’explosion de la tronche du glacier qui a eu pour effet collatéral de rendre le petit frère méchant, bref une palette de vies toutes chiffonnées qui annonce le pire. Nous sommes dans un lointain cousinage avec la Darling de Jean Teulé, la violente noirceur en moins, car l’écriture légère, faussement désinvolte d’Adeline Dieudonné, en un mot brillante, parvient à nous faire croire, malgré de drôles d’horreurs ici et là, que tout est bien qui finit bien. Le méchant perd. Les petites victimes ont une deuxième chance. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, l’auteur se fait un nom. Son roman* fait un tabac. Il remporte deux prix, l’un décerné par 800 personnes (le Prix Fnac), l’autre par 200 lycéens (vingt par établissement selon le très sérieux règlement du concours, dont celui que fréquenta Théophraste Renaudot). Son éditrice sourit, même quand il pleut, quelle joie. Et à Brive, Delphine de Vigan, aux anges, l’invite sur scène. Chaque saison littéraire réserve une ou deux magnifiques surprises qui sont la preuve qu’il faut continuer à croire aux miracles.

*Adeline Dieudonné. La vraie vie. Éditions L’iconoclaste. En librairie depuis le 29 août 2018. Prix Fnac 2018. Prix Renaudot des Lycéens 2018.
**Darling, de Jean Teulé. Éditions Julliard puis Pocket.

Arrosez de sang de temps en temps.

Grangé NM 2

J’ai acheté le dernier Grangé le 2 mai de cette année, le jour de sa parution, c’était dire mon impatience à retrouver un auteur dont je suis fan depuis l’incomparable, l’immense Vol des cigognes*, et pourtant je viens seulement de le lire, d’une traite, à la faveur d’un voyage entre Heidelberg et Paris. Clémenceau ne disait-il pas que le meilleur moment est dans l’escalier ?
Je viens de fréquenter les fins fonds du porno le plus trash. Je viens d’assister aux plus étonnants ficelages de corps selon les règles de l’attachant shibari. Je viens de frôler la pire folie des hommes, celle qui dégrade, humilie et embrase tout. Je viens de plonger dans les eaux les plus froides de la viscosité humaine dont les écumes sont des lames de cutter. Je viens de suivre une enquête sanguinolente, de découvrir des crimes dégueulasses. Je viens de sortir d’un dossier criminel absolument fou, démesuré, improbable, sublime ou ridicule. Je viens de sortir la tête d’un ventre vermillon. J’ai tout supporté parce que je laisse Grangé m’emporter où il veut, sur ses terres et dans ses terreurs ; parfois dans ses rédemptions.
J’ai juste un micro-bémol cette fois ça parce que je n’ai pas retrouvé, malgré quelques fulgurances ici et là, son écriture qui me happe –baroque, créative, tellement imagée –, cette Grangé touch qui fait de ses textes des grands textes de littérature noire, et même au-delà. Deux hypothèses à cela. Ou j’étais trop pressé de plonger dans ses lacs de sang et j’ai moins fait attention. Ou il était trop pressé de m’y plonger et il a moins fait attention. En tout cas, attachez-vous. La Terre des morts est une fascinante terre mouvante.

* Le Livre de poche, 1994.
*La Terre des morts, de Jean-Christophe Grangé. Editions Albin Michel. En librairie depuis le 2 mai 2018.

Arrêtons une minute de gueuler.

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Au moment où tout le monde gueule contre les taxes et les taxes sur les taxes (si, si, la TICPE qui est une taxe est elle-même taxée de TVA), contre la laine qu’on nous tond sur le dos, contre les Sarrasins qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes, contre les immeubles qui se cassent la gueule en ensevelissent des vies et les rêves de ces vies, contre la météo qui de déglingue tout à coup, merde quoi, on est en novembre et on a des jours printaniers, voici un livre qui tombe à point nommé, un bijou d’émotion, de tendresse et de foi en le cœur des hommes : L’Amour, c’est…* dans lequel deux cents écrivains donnent leur réponse, dont bibi, pour reprendre l’expression récemment utilisée par le type qui aime bien les taxes contre lesquelles tout le monde gueule, et les taxes sur les taxes, et je pourrais continuer longtemps comme ça.

*L’Amour, c’est… Par 200 auteurs, illustrés par Jacques Koch, préfacé par le formidable Baptiste Beaulieu, édité par Le Livre de Poche et, last but not least, 2 euros sont reversés à Le rire médecin (ce qui fait vraiment du bien).