Archive | février, 2023

Samedi 25 mars 2023.

Premier salon de jour pour ma Nuit particulière. Peut-on dire que ce sera une journée blanche ? Ravi de vous revoir enfin.
Festival des Écrivains du Sud. Amphithéâtre de la Manufacture / Hôtel Maynier d’Oppède / Hôtel de Ville. 13090 Aix-en-Provence. Tout le programme ici — notamment une rencontre particulière entre Mélissa Da Costa et moi le samedi à 16 h, animée par Thomas Rabino, dans l’amphithéâtre Zyromski.

On pourrait croire que c’est une histoire simple.

Julien, photographe parisien, retourne à Argelès-sur-Mer, dans les Pyrénées orientales, où l’on peut observer des libellules, des lézards ocellés, des hêtraies et des chênaies mais aussi ses retrouvailles avec cette plage d’enfance et surtout celles avec sa vieille mère. Mystérieuse vieille mère, amoureuse du souvenir de son mari brigand disparu et désirée par son vieux voisin, photographe lui aussi, — tiens, tiens ; bref, une histoire (faussement) simple comme les aimait Sautet, du vent du sud, du sable qui pique les yeux, on pourrait d’ailleurs croire que ce sont des larmes, des adieux qui s’éternisent, une mère qui part, une nuit qui tombe. Mais ce qui est absolument troublant dans ce roman* d’un autre âge, ai-je envie d’écrire, c’est justement ce parfum sentimental suranné, la délicatesse des sentiments chez ce Julien de 45 ans, en train de tomber amoureux d’une comédienne et qui passe par toute la palette des émotions adolescentes, comme s’il voulait ne pas grandir, juste rester un fils, presqu’un enfant, tandis que meurt sa mère. Me revenaient à la lecture ces films des jeunes années Trintignant, Philipe, Ronet et autres éternels amoureux, et c’est dans cette nostalgie que le livre d’Éric Genetet s’avère le plus captivant.

*On pourrait croire que ce sont des larmes, de Éric Genetet, aux éditions Héloïse d’Ormesson. En librairie depuis le 27 janvier 2022.

Jeudi 16 mars 2023.

Rendez-vous ce soir à 19h à la merveilleuse librairie de Patrick Vannier à Levallois, « Les Beaux Titres », pour la première rencontre autour d’Une nuit particulière. Ce sera, à n’en pas douter, une soirée particulière…

Les Beaux-Titres, 61 rue Voltaire, 92300 Levallois-Perret.
Illustration de l’adorable Brigitte Lannaud-Lévy, que je salue au passage.

Une île entre le ciel et l’eau.

Comme les habitants de cette île qui y ont un jour débarqué par hasard, c’est par le même hasard que j’ai découvert ce petit livre* d’un auteur bien rare — 4 livres en 16 ans — ; un livre également bien rare puisqu’il parle avec une force et une simplicité ahurissantes du cœur des hommes et d’une fraternité possible.
Sur cette île à quelques encablures du continent où gronde la folie d’une dictature, débarque un certain Benjamin, beau comme un pâtre grec, qui va rapidement être accepté par cette communauté de taiseux et bousculer le destin de chacun. Je pense bien sûr au Bobi du Que ma joie demeure de Giono. Je pense au harfang, l’oiseau-roi du Grand Silence de Durand. Je pense aux gars du Mouvement Lorraine, en 42. Je pense que « Maritimes » est un immense petit livre, une île de poésie et d’humanité.

*Maritimes, de Sylvie Tanette, publié aux éditions Grasset le 12 mai 2021.

Mathieu Menegaux.

Dernier livre paru : Femmes en colère, aux éditions Grasset (2021). Également au théâtre La Pépinière jusqu’au 1er avril 2023, adaptation de l’auteur et de Pierre-Alain Leleu.

Un roman capital.

Périphéries* est le roman des invisibles. Roman noir puisque c’est dans le noir qu’on voit le mieux la lumière. Il est le roman du réalisme escamoté, des douleurs étouffées, des vies effacées. Voici l’histoire de Virgile, Manouche établi avec les siens sous le pont de Clichy ou de Gennevilliers, bidonville de la honte, fatras d’improbables et de suies, dans cette France si prompte à évoquer ses Lumières et qui a beau jeu de les éteindre sur ses hontes. Virgile a 20 ans. Il a l’âge des envols. Mais sa peau est de la mauvaise teinte, ses cheveux d’un noir suspicieux, son corps trop menaçant à cause des tractions et autres shrugs — ce corps dont il prend soin car il est la seule maison qu’il possèdera jamais. Alors Virgile rêve de retourner dans sa Roumanie natale, d’y emmener avec lui sa tribu, comme un marin s’en retourne au port, dans sa langue, dans ses odeurs et son sang. Mais Virgil tombe amoureux. De celle qu’il ne faut pas. Yasmine. Celle qui a un frère, et lui aussi un code d’honneur — même s’il est au prix du déshonneur des femmes et de la violence démesurée des hommes.
Et Virgile chute. Mais la plume magnifique, nerveuse, dense et qui danse de Philippe Lafitte le rattrape. Car les rêves, et le tout premier d’entre eux, la liberté, ne pourront jamais, pour Philippe, se fracasser au conformisme d’une société française, parfaite petite Tartuffe qui continue à couvrir ces seins qu’elle ne saurait voir. C’est en cela que Périphéries est un livre de combat, un livre d’amours, et qu’il est formidable. 

*Périphéries, de Philippe Lafitte. Au Mercure de France, Collection Bleue. En librairie depuis le 2 février 2023.

Un livre à mon chevet.

Je viens de le* refermer et je ne sais pas ce que j’ai lu.
J’ai lu des forêts, du vent et de la neige.
J’ai lu la Terre qui gronde, les lichens et les orages.
J’ai lu une chienne de berger sexuellement abusée par un homme, j’ai lu un autre homme qui préfère la compagnie des livres, une septuagénaire qui écoute ses os craquer quand elle se baisse pour caresser les herbes, sentir la tiédeur des pierres et la froideur du poil d’un âne mort.
J’ai lu un livre en train de s’écrire, un livre traversé par des ruisseaux d’alpages, par le temps qui conduit à l’obscur ; un livre qui allait s’appeler Un chien à ma table.
J’ai lu un monde qu’on avait maltraité et que la littérature ne sauvera pas.
J’ai lu un livre à mon secours, lu la beauté de ce que je soupçonnais, que je ne voyais plus.

*Un chien à ma table, de Claudie Hunzinger. Éditions Grasset. En librairie depuis le 24 août 2022. Prix Femina 2022.

Une date particulière.

C’est le 29 août 1903 qu’est né Jean Follain et pour ce 120ème anniversaire, Élodie Bouygues a eu la belle idée de lui rendre un hommage sous forme de feuilleton. Fervent admirateur de Follain, j’ai la joie d’y avoir contribué. Voilà: https://www.poesibao.fr/lire-et-relire-jean-follain-aujourdhui-2-gregoire-delacourt/