Archive | juin, 2023

Vendredi 30 juin 2023.

Quoi de plus beau qu’une Nuit Blanche pour la dernière d’Une nuit particulière ? C’est ce soir que s’achève ma longue et passionnante tournée pour ce livre — ces si nombreuses et belles rencontres, à chaque fois denses, sincères, passionnées.
Rendez-vous ici, ailleurs, bientôt ou pas, avec un jour un nouveau livre, nouvelle histoire, nouveau défi. Je sais que vous serez alors de nouveau là et vous en remercie.

18 à 23 heures. La Nuit blanche des Livres, merveilleusement organisée par Nathalie Iris de la Librairie Mots en Marge, Place de la Liberté, 92035 La Garenne-Colombes.

La poésie/Chaque jour/Voyage.

J’ai rencontré Patrice Franceschi au travers d’un livre formidable, Et s’il n’en reste qu’une — qui figura à juste titre jusqu’au bout sur la liste du Goncourt 2021 et je m’étais alors intéressé au bonhomme et découvert les mille vies qui le peuplaient, entre autres celles de romancier, d’aviateur et de marin. 
Mais ce ne sont pas là les plus importantes.
J’ai eu la chance de le croiser récemment au premier salon du livre de Digne-les-Bains et bien évidemment, je suis allé lui dire à quel point son roman m’avait traversé, particulièrement sa poésie. Au mot de poésie, son regard si intense s’éclaira de l’intérieur, son visage d’acteur s’illumina, « J’aime que vous parliez de poésie à propos de ce livre », me dit-il. Et pour remercier de l’avoir lu au prisme de cette beauté, il m’offrit son dernier ouvrage Éphémérides*, un recueil de poésie, figurez-vous. De Kor-Waï précisément. C’est-à-dire quatre vers et dix-sept pieds sans rimes, inspirés de la concision volontaire du Haïku et quand un aventurier tel que lui chante la poésie, il délivre magnifiquement ce que promet ce kor-waï-ci, page 91 :


Quelque chose
Qui prenne les hommes
Et les emmène
Très loin.

*Éphémérides, de Patrice Franceschi. Éditions Plon. En librairie depuis le 9 février 2023.

Jeudi 29 juin 2023.

Il y a du Margnat Villages dans L’Écrivain de la famille, des côtes de Provence dans Danser au bord de l’abîme, un rouge tannique dans L’Enfant réparé, un Nero d’Avola dans Une nuit particulière, c’est donc tout naturellement qu’il y aura ce soir quelques merveilles du bordelais à déguster, accompagnés de mots à savourer.
19h30. Médiathèque Senior, carré des Jalles, place de la République, 33160 Saint-Médard-en-Jalles.

Ne me quitte pas.

Au vu de son traitement, l’idée de Reste* tient probablement davantage de la nouvelle que du roman, mais quelle idée : L’amant d’une femme meurt et elle veut juste garder son corps auprès d’elle, ne pas le rendre à sa femme à laquelle elle décide d’écrire* pour lui narrer la situation. 
Je ne peux pas ne pas penser à ce que déclarait inversement Cocteau à la mort de Radiguet : Il était si beau que j’ai toujours su que je devrais le rendre.
Bien sûr nous sommes chez Adeline Dieudonné (qui avait émoustillé le tout Saint-Germain-des-Prés il y a cinq ans avec La vraie vie), donc dans une certaine provocation dont la brutalité se révèle souvent poésie, et c’est sans doute là son grand talent. Mais pourquoi alors se défigurer d’inepties si peu drôles comme Je suis prête à parier mon clito (page 217) et, rebelote deux pages plus loin, Je parierais mon clito et mes tétons, qui sont assez antithétiques d’un amour fou. Mais peut-être suis-je devenu un vieux schnock.

*Le livre est construit en deux parties. Première lettre et Deuxième lettre. 
**Restede Adeline Dieudonné, édité par L’Iconoclaste. En librairie depuis le 6 avril 2023. 

Morts-vivants.

Page 236 est une phrase saisissante qui dit tout le dernier livre* de Xavier de Moulins : La séparation est une mort qui vous laisse en vie.
Outre sa mélancolie crue, elle teinte aussi ce crépusculaire roman d’une formidable espérance. 
Être resté en vie, finalement.
La nuit des pur-sang est un texte envoûtant, hypnotique et surprenant par son écriture qui oscille entre le doux et le brutal. Une écriture nouvelle chez Xavier qui, à chaque livre, ose faire tapis de ses mots d’avant et prend tous les risques dont celui de nous bousculer jusqu’à nous faire perdre pied — car ainsi est la littérature : elle s’accommode mal de trop de politesses.
Ici, comme dans La vie est belle de Capra ou le bouleversant Truly, Madly, Deeply de Minghella, Xavier convoque la poésie, le surnaturel et les fantômes puisqu’on n’écrit jamais mieux l’absence qu’en présence de ceux qui nous manquent.
On est davantage fait de nos vides que de nos pleins et c’est toute la puissance de ce livre que de nous le rappeler. 
Histoire de ne plus jamais rien perdre de ce qui nous frôle.

*La nuit des pur-sang, de Xavier de Moulins. Éditions Flammarion. En librairie depuis le 8 mars 2023.

Samedi 24 juin 2023.

Cap sur Besançon ce samedi, son Mont d’or et sa cancoillotte, sa poularde aux morilles et sa potée comtoise — une terre de gourmandises pour le corps auxquelles s’en adjoindront d’autres pour l’esprit, tout aussi plaisantes, Serena Giuliano, Sophie Rouvier, Véronique Olmi et moi. Ce qui sera aussi l’occasion de fêter ensemble joyeusement les 70 ans du Livre de Poche.
14h30-17h30. Librairie L’Intranquille, 59 rue des Granges, 25000 Besançon.

Incendié.

J’ai été incendié, ébloui et consumée par cet Incendie blanc*, premier roman d’Antoine Catel dont l’écriture, à chaque phrase, est un embrasement de silex, un départ de feu sublime, une lave rare. Catel appartient aux précieux écrivains de la famille des poètes, de ceux qui peuvent faire tout ressentir sans avoir besoin d’expliquer. Il délivre ici sa sœur, belle, brillante, une enfance comme une promesse, une jeune femme comme une authentique espérance, que la drogue a mitée, carbonisée jusqu’à l’overdose. L’écriture ici est au-delà d’elle-même, elle ne parle plus de l’amour et du manque, elle est l’amour, elle est le manque. Elle est la vie, elle est la beauté pure, la beauté blanche. C’est magnifique, absolument. Il y a avait si longtemps qu’un livre ne m’avait pas transpercé à ce point. Depuis, tout semble fade.

*Incendie blanc, d’Antoine Catel. Éditions Calmann-Lévy. En librairie depuis le 4 janvier 2023.