Archive | Bouquins.

La mère du Nord.

fournier

Rentrée littéraire 2015. Après son papa, ses garçons, son premier amour, son épouse, sa fille*, Jean-Louis nous parle de sa maman**. Sa mère du Nord. Une femme faite pour le bonheur et qui vivra des grands chagrins, par la disgrâce d’un mari alcoolique. « C’était maman qui pleurait, sous ses couvertures, tout bas, pour ne pas nous réveiller » (page 88).
Jean-Louis avait rangé ses précédents disparus sous des couvertures sombres (la couverture noire, dite La Bleue, chez Stock) ; il a, cette fois-ci, choisi une couverture blanche pour sa maman. Blanche comme neige, comme aile d’ange, comme porcelaine. Et c’est un Jean-Louis au grand cœur tendre qui, s’il ne peut s’empêcher quelques facéties (« Ma mère ne voulait pas faire de vagues » page 104), nous raconte des petites anecdotes sur elle, délicatement posées, comme des verrines, sur l’immense blanc des pages de son livre (il a toujours écrit très court, très aéré – des jardins japonais, dit-il de la mise en page de ses textes) ; un Jean-Louis apaisé donc qui, comme il me l’écrit sur sa dédicace, conserve les êtres chers dans ses livres, comme on conserve les cerises dans l’eau de vie. Car c’est bien de vie qu’il nous parle. De celle à qui il n’a jamais vraiment chuchoté qu’il l’aimait. Et qui lui manque. Le temps répare, semble-t-il.

*Respectivement : Il a jamais tué personne mon papa, Où on va papa ?, Poète et paysan, Veuf, La Servante du Seigneur, tous publiés chez Stock et au Livre de Poche.
**Ma mère du Nord, Jean-Louis Fournier. Éditions Stock. A paraître le 30 septembre 2015.

Non-Virgin suicides.

Sabolo

Rentrée littéraire 2015. Crans-Montana est un roman* très chic. Il se déroule dans une station suisse très chic, dans la partie francophone du canton de Valais, entre 1500 et 2995 mètres d’altitude. On y croise des Lamborghini Countach, des Rolls bleu, des italiens séduisants, des diams de cinq carats, du Dom Pérignon, des manteaux de fourrure à cinquante mille francs suisses, des rails de coke, des filles qui sucent dans les ascenseurs et laissent des bagues de rouge à lèvres, et des garçons éperdus d’amour pour ces filles qu’ils n’osent pas aborder : la bande des trois C, Chris, Charlie et Claudia – des filles qui finiront par se perdre, et des garçons qui n’auront rien gagné. On pensera bien sûr au magnifique livre d’Eugenides Jeffrey** qui, lui, se situait dans une banlieue chic de Detroit, en 1970, mais à ceci près que Monica Sabolo nous livre une version plus adulte, plus élégamment désenchantée, de cette époque où l’argent, la lassitude, et les fêtes coulaient à flots. Où les filles mouraient finalement davantage d’ennui que d’amour. L’écriture de Monica, comme le reste, est également très chic. Tout cela donne un livre confortable comme un Sacco italien des années 70, et grisant comme une balade sur le lac de Côme en Riva, foulard Hermès, sac Kelly, lunettes Emilio Pucci.

*Crans-Montana, de Monica Sabolo. Éditions Lattès. En librairie depuis le 26 août 2015.
**Virgin Suicides, de Eugenides Jeffrey (1995). Éditions Points. A voir, ou revoir, la formidable adaptation au cinéma de Sofia Coppola, avec la sublissime Kirsten Dunst.

Une faille grandiose.

SorrenteRentrée littéraire 2015. J’ai découvert Isabelle Sorente il y a 728 jours avec son époustouflant 180 jours. Elle revient avec un roman* torrentiel (l’adjectif m’est inspiré d’elle, page 375) ; un fleuve virtuose sur nos failles que certains prédateurs décèlent, voient à travers nous, avant nous, et qu’ils se délectent d’agrandir jusqu’à les rendre abyssales pour pouvoir y enfouir nos hontes, nos peurs, et, contre nous, retourner contre nos forces cachées – celles là mêmes qui appartiennent à l’homme noir, « (…) pas enveloppé de noir. Il n’avait pas la peau noire. Il était le noir, voilà ce qu’il était, le bloc d’antimatière, le trou dans le décor, le supplice éternel ».
La Faille est un roman féroce et lucide dans lequel on dégringole par la grâce d’une écriture tourbillonnante, brillante, qui nous hypnotise ; une écriture dense, comme un arythmie, dans laquelle notre souffle s’épuise à vouloir remonter. Une histoire d’eau, écrit Sorente, que tourmentent des trames souterraines. Voici donc l’histoire de l’emprise et de la chute de Lucie Scalbert, « la plus belle fille du lycée, avec un je ne sais quoi de dingue dans le regard », racontée par son amie Mina Liéger.
Vérifiez votre oxygène. Plongez. Et laissez vous dériver.

*La Faille, Isabelle Sorente. Editions Lattès. En librairie depuis le 2 septembre 2015.

Une sortie au milieu de la rentrée.

Il y a un an déjà. On ne voyait que le bonheur sortait pour la rentrée littéraire 2014. Le voici qui rentre au Livre de Poche et sort aujourd’hui, 3 septembre, le jour de la fête d’un saint au très joli prénom.

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On ne voyait que le bonheur, éditions Le Livre de Poche. Merci à Véronique, Audrey, Sylvie et Anne pour sa très jolie photo.

Selon Lydie.

LZ

Rentrée littéraire 2015. Premier coup de coeur de Lydie Zannini, libraire* passionnée et passionnante : Petits plats de résistance, de Pascale Pujol (Le Dilettante).
« De nos jours, Paris, Sandrine, employée à Pôle Emploi décide de faire baisser le chômage à sa manière ! Cuisinière hors pair, elle possède un nez pour découvrir les tire-au-flanc, surtout les mecs ! Elle ne s’essouffle jamais et a le don de trouver des idées nouvelles pour booster les paresseux. On ne s’ennuie pas et j’enverrais bien ce livre à nos politiques pour leur donner des idées !!! CAUSTIQUE, SAVOUREUX, DRÔLE !!! »

*Librairie du Théâtre, 01000 Bourg-en-Bresse.

Le conseil du Vavasseur.

Quelques jours de transat encore. A suivre, ce conseil de Pierre, à propos du très bon livre de François.

Vavasseur

Article paru dans Le Parisien-Aujourd’hui en France, le 19 août 2015.

Lisez des morts.

Antonio Garrido

À l’heure où les lecteurs professionnels lisent (enfin, parcourent) les textes de l’imminente rentrée littéraire – gigantesque ducasse du livre -, il est un lecteur extraordinaire, lui, qui lit vraiment, et bien au-delà des mots, de leurs significations et de leurs interprétations. C’est Le Lecteur de Cadavres*, ci-nommé Ci, inspiré par l’authentique chinois Song Ci, un homme du Moyen-Âge asiatique, précurseur et père de la médecine légale. Antonio Garrido, enseignant à l’université polytechnique de Valence,  nous offre, avec une écriture précise et pleine d’esprit, un voyage saisissant, palpitant, homérique, à la fois dans la Chine du XIIIè siècle et dans le corps humain, mais surtout, dans l’âme humaine (ses tourments, ses noirceurs et ses fulgurances).
Le Lecteur de cadavres est bien plus qu’un roman. C’est un livre d’aventure, un polar, un livre scientifique, un livre d’amour, de désirs, de tentations et de corruptions, un livre qu’on ne peut lâcher qu’à la sept-cent dix-neuvième page. Tremblez Dr. House, Kay Scarpetta, et autres Experts en fariboles, voici Ci, le lecteur de cadavres qui rend ses lecteurs heureux. Et même plus.

*Le Lecteur de cadavres, d’Antonio Garrido. Éditions Le Livre de Poche. En librairie depuis le 3 juin 2015.

Ecce Eco.

On connaît, bien sûr, l’immense Umberto Eco pour son Nom de la Rose, son Pendule de Foucault et ses formidables essais sur la langue, le langage et autres petites tragédies humaines ; le voici avec un roman* qui dépare légèrement de son œuvre, un peu comme déparait légèrement Le Parfum d’Adam, dans l’œuvre de Ruffin. Numéro Zéro se situe entre la fiction du journaliste et le pamphlet du romancier. Avec une finesse et un humour rares, Eco nous invite dans une salle de rédaction où il tord le cou à l’idée d’un journalisme sincère, au service de la connaissance du plus grand nombre, pour nous faire plonger dans les trucs, astuces et autres petites fourberies de ceux censés nous éclairer. Mais surtout, il raille les « complotistes » en développant la possibilité d’un complot, non seulement crédible, mais extrêmement bien documenté, sur Mussolini – lequel n’a cessé d’empoisonner la vie politique italienne, même (et surtout) après, sa supposée mort en 1945. Eco nous offre un roman rapide, précis et jubilatoire, ce qui, en ces périodes d’actualités journalistiques affligeantes, est bien précieux.

Umberto Eco

*Numéro Zéro, Umberto Eco. Éditions Grasset. En librairie depuis le 13 avril 2015.
PS. Ce bijou, page 152: « Les yeux des gens s’humidifient et tout le monde est satisfait. Il existe un mot allemand, Schadenfreude, la jouissance de l’infortune d’autrui. C’est ce sentiment qu’un journal doit respecter et alimenter ».