La carte postale.

Voici* l’un des gros succès en librairie de la dernière rentrée littéraire (désolé de lire à contretemps, mais il y eut à l’automne dernier tant et tant papiers sur lui et sur celui que fit dans Le Monde Camille Laurens pour le dézinguer au profit des Enfants de Cadillac, vaguement sur le même sujet dit-on, lui aussi sur la liste du Goncourt 2021, écrit par François Noudelman qui est le « compagnon » de Laurens — et après on répète à hue et à dia que la République des Lettres, elle, est incorruptible, blablabla. Bref.)
La Carte postale raconte l’histoire (vraie) d’une carte envoyée en 2003 à son ou sa destinataire avec au dos une liste de quatre prénoms. Ephraïm, Emma, Noemie, Jacques. Près de 20 ans plus tard, Anne Berest (petite-fille de ce mystérieux M. Bouveris) délivre avec un très grand talent d’écrivain son enquête haletante qui la conduira à découvrir l’auteur de la carte mais surtout lui permettra de remonter le cours de la vie de ses grands-parents, oncles, tantes, gazés dans les camps. Bien sûr on n’échappe pas aux pages déjà lues, aux scènes déjà vues, aux histoires déjà entendues, mais à l’heure où meurent les derniers survivants, disparaissent les derniers témoins directs de cette effarante histoire de l’humanité, il est nécessaire que de tels livres s’écrivent encore. 
Mais voilà qu’à ces odyssées de l’horreur, à son indélivrance possible, j’ai aussi aimé ces quelques pages absolument merveilleuses qui narrent non pas ce ménage à trois, mais ce désir à trois, qui va lier à jamais les authentiques héros de cette histoire : ceux qui ont survécu et ont pu la transmettre.

*La carte postale, d’Anne Berest. Édition Grasset, collection Blanche, dirigée par Martine Saada. En librairie depuis le 18 août 2021. Prix Renaudot des Lycées 2021. Nota Bene : Dans son livre, Anne Berest s’interroge sur l’identité juive aujourd’hui et je ne peux pas ne pas vous renvoyer à la magistrale réponse de Michel Persitz dans son admirable Juif de Personne (Lattès, 2019).