La Providence.

J’ai reçu un étonnant petit livre. Il s’agit de La Providence, signé d’une certaine Michelle Brun. Dans la lettre qui l’accompagnait, elle m’expliquait m’avoir découvert au travers du cadeau qu’on lui avait fait de mon dernier roman, Un jour viendra couleur d’orange, et qu’elle en avait été captivée, je cite : « Je ne l’ai pas lâché sauf pour dormir et manger ». Et la voilà qui m’adresse son livre dont le titre me fit frissonner puisqu’il est le nom du pensionnat où j’ai passé tant d’années à Amiens, même si le dessin figurant sur la couverture évoquait un bien autre lieu. (Il s’agit en effet d’un orphelinat sis au cœur du quartier Saint Joseph à Clermont-Ferrand).
Voici donc un opuscule de souvenirs écrit par une femme dont on apprend qu’elle est née en 1953 et qu’elle s’est retrouvé à 6 ans à l’orphelinat, qu’elle y a grandi, ri avec une amie dont le corps était à moitié brûlé car elle est « tombée dans une bassine d’eau bouillante quand j’étais Bébé » (page10), que plus tard, elle écoute Johnny Hallyday, « les sœurs le surnomment La gouttière car il sue beaucoup » (page 25), et voilà qu’elle a 11 ans, toujours pas ses règles mais de grande taille, écrit-elle, et que sa mère Simone a le droit de la « prendre chez elle un dimanche après-midi par mois ». Simone habite désormais avec un certain Marcel avec lequel elle a un bébé. Marcel entraîne Michelle à la cave, la couche sur un carton déplié et « après quand il a fini et que j’ai mal à ma zézette, il chante en montant l’escalier dans la vie faut pas s’en faire moi je m’en fais pas » (page 35).
En quelques pages tout est dit, tout est avoué, sans fioritures, dans une écriture profondément « sociale » ai-je envie de dire, une voix comme je n’en avais encore jamais lue, faite de brutalité douce, de violence sans haine, d’évidence glaçante et si fragile à la fois.
La Providence est une étonnante bousculade ; un texte venu de nulle part dont les mots télescopés, comme des silex, ont fait des étincelles dans mon cœur. Un texte comme on n’en trouve pas, à l’image de ces souffrances qu’on ne voit pas.

*La Providence, de Michelle Brun. Texte auto édité (7,5 €). Je suppose que vous pouvez le commander directement chez l’auteur : michelle.brun@orange.fr