Les livres ont des oreilles.

Un été dans la Poche (2/5). Bien qu’il y soit question de surdité, ce premier roman d’Adèle Rosenfeld fait un étrange et bel écho à celui de Françoise Grard qui, elle, évoquait sa cécité à venir. Voilà donc un second texte en quelques mois, au fort joli titre, Les méduses n’ont pas d’oreilles, sur le handicap intime, dans lequel Louise, (on imagine qu’elle a 25/28 ans) nous raconte sa perte définitive d’audition. 
Et dans silence qui s’annonce, Louise compile les bruits de sa vie dans une sorte d’herbier poétique, une espèce de bande-son pour son existence sourde à venir. Et dans l’espace de ce vide, les mots volent, remplissent sa tête de personnages fabuleux, comme des héros d’enfance, mais ici des héros d’adulte, et c’est eux qu’elle entend désormais, eux avec qui elle n’a pas besoin de lire sur les lèvres, de deviner les trous dans les mots, les abîmes dans les conversations. Et voilà qu’il lui est offert la possibilité d’être implantée, de revenir au réel, aux fureurs du monde. Mais si le silence était une langue, finalement ? Un poème sans fin ? Un poème vrai ?

*Les méduses n’ont pas d’oreilles, de Adèle Rosenfeld. Aux éditions Le Livre de Poche. En librairie depuis le 7 juin 2023.