Méfiez-vous des titres.

Un été rue des Saints-Pères (9/9). Toujours impressionnant de s’attaquer à un roman*, le second de son auteur, dont la quatrième de couverture déclare : « (…) il confirme qu’il est l’un des plus grands auteurs américains contemporains », dont le Washington Post se fend d’un « Une œuvre de génie » et The Economist, « Un livre aussi puissant que subtil », parce que, s’il s’agit là d’une histoire non pas de séparation mais de fin de relation (en effet, R ., l’amant de l’auteur doit rentrer à Lisbonne, loin de Sofia où ils se sont rencontrés), c’est l’histoire d’un chagrin d’amour. Ou plutôt d’un chagrin de désir. C’est sur cette subtilité romanesque que doivent se fonder les avis dithyrambiques autour de Pureté. L’abandon de soi après l’abandon de l’amant. Ainsi esseulé, l’auteur va de rencontre en rencontre pour y trouver le plus de passion sexuelle, possible, le plus de brutalité, de perversion et de douleur et c’est là, pour moi, que le livre bascule également dans un porno gay dont la lecture instructive révèle un authentique talent d’écrivain car il en faut du talent pour narrer pendant 28 pages bien remplies une relation sexuelle sado-maso avec un inconnu, ainsi, page 50 : « Il répéta alors le mot que je ne connaissais pas mais qui, selon moi, signifiait du calme, et soudain ma bouche s’emplit de chaleur, vive et amère, son urine, que je pris comme j’avais accepté tout le reste ». Ou 30 pages de relations hard avec un garçon qui ne « veut être qu’un trou » (chapitre Le petit saint). Etc. Pureté est néanmoins un livre important car il évoque étonnamment le chagrin amoureux d’un homme au travers des supplices qu’il s’impose pour en sortir — ce qui m’évoque, de fort loin et toutes proportions gardées, le sujet du formidable Breaking the Waves de von Trier. Là où le bât blesse, c’est que ces pulsions d’impureté semblent bien antérieures à son chagrin. On dira alors que la faim justifie les moyens.

*Pureté, de Garth Greenwell. Élégamment traduit de l’américain par Nicolas Richard. Chez Grasset, éditeur à Paris, rue des Saints-Pères. En librairie depuis le 20 janvier 2021.