Retourner, c’est aussi avancer.

Avec son Retour à Groningen*, Sybille de Bollardière signe un récit d’une beauté crépusculaire — l’histoire de son (dernier) amour avec Sieds, elle et lui élégants sexagénaires, tous deux écrivains, tous deux forts en gueule comme tous les grands tendres, voyageurs désenchantés et contemplatifs gourmands. Ce retour est l’occasion pour Sybille de retrouver ses trois frères disparus, des éclats de son enfance, mais surtout de se retourner sur elle et de découvrir que le temps est court et qu’il est si important d’aimer. C’est donc cette trop brève passion d’amour (cinq ans) qui hante le livre, qui lui donne ses immenses beautés, ses chuchotements inoubliables. Il y avait longtemps que je n’avais été aussi empoigné par des mots, dans un décor pour moi en noir et blanc, comme les pages d’un livre. Page 38 (de mon Kindle), elle écrit cette chose bouleversante pour un écrivain : « Je sais que je me pardonnerai tout le malheur que je me suis infligé si seulement je pouvais en tirer quelques lignes ». Écrire le deuil c’est finalement se pardonner d’être en vie. Magnifique.

*Retour à Gronningen, de Sybille de Bollardière. Éditions La Passagère. En librairie (et sur Kindle) depuis avril 2022.